Banzo
2024/2025
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Au début du XXe siècle, dans les îles de São Tomé e Príncipe (alors colonie portugaise), le docteur Afonso, fraîchement arrivé, tente de comprendre et de soigner une mystérieuse maladie qui ronge les domestiques et travailleurs d’une vaste plantation. Ce trouble, caractérisé par une apathie totale voire irréversible – et présenté par les colons comme une forme de « nostalgie » –, est connu sous le nom de « banzo ».
Troisième long-métrage de Margarida Cardoso, « Banzo » retranscrit l’âpre souvenir de la colonisation portugaise du siècle dernier, globalement oubliée et noyée au milieu des plus imposantes et frappantes occupations françaises, britanniques ou belges (entre autres, hélas). L’esclavage est certes aboli depuis plusieurs décennies, mais sa violence physique comme morale perdure sous bien d’autres formes, y compris dans ce petit archipel du golfe de Guinée.
Doux-amer, le film est pourvu d’une atmosphère particulièrement mélancolique, tant du côté des paysages que de celui des personnages. Les couleurs vert-de-gris, estompées et affadies par le vent et la pluie qui balayent les lieux, rendent les décors bien plus inhospitaliers que luxuriants ou faussement paradisiaques – à l’instar de ces bâtisses coloniales moisies par le temps. Aucun des personnages ne sourit, tout le monde semble ailleurs et pourtant coincé dans ce monde rendu système – par l’exploitation, par l’aliénation, par l’administration aussi.
Afonso n’est ainsi qu’un passif témoin de toute une époque lourdement silencieuse et que l’on a tue, tandis que cet Alphonse qui détonne (parce que dans un entre-deux colonial) décide de photographier ce malheur ambiant, ces esclaves pour la plupart mozambicains qui « légalement » ne sont pas asservis, ces colons désabusés et bien éloignés des idéaux chantés en métropole, cette neurasthénie déshumanisante, écrasante et presque absolue, résumable en ce simple mot : banzo.
Axel Chevalier
At the beginning of the 20th century, in the islands of São Tomé and Príncipe (then a Portuguese colony), the newly-arrived Dr. Afonso is trying to understand and cure a mysterious illness that is eating away at the servants and workers on a vast plantation. This disorder, characterized by total, even permanent listlessness – and described by the settlers as a form of “nostalgia” – is known as “banzo”.
Margarida Cardoso’s third feature film, “Banzo” captures the bitter memory of the Portuguese colonization of the last century, largely forgotten and drowned out by the more imposing and dramatic French, British and Belgian occupations (among others, sadly). Although slavery was abolished several decades ago, its physical and moral violence persists in many other forms, including in this small archipelago in the Gulf of Guinea.
This bittersweet film features a particularly wistful atmosphere, both in terms of the landscape and the characters. The verdigris colors, blurred and dulled by the wind and rain that blow across the landscape, make the scenery far more inhospitable than lush or deceptively heavenly – as in the musty colonial buildings. None of the characters smiles, everyone seems elsewhere, yet trapped in a world turned into a mere system – by exploitation, by alienation, and by administration too.
Afonso is merely a passive witness to a whole era that has been heavily silenced and hushed up, while Alphonse, who stands out (because he’s in a colonial in-between), decides to photograph this ambient unhappiness, these mostly Mozambican slaves who are not “legally” enslaved, these disillusioned settlers far removed from the ideals sung in the mainland, this dehumanizing, crushing and almost absolute neurasthenia, summed up in this simple word: banzo.
Axel Chevalier