Emmet Till
Till
2022/2023
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Chicago. 1955. Mamie élève seule son fils Emmett dans l’amour et la spontanéité loin de la haine qui caractérise le sud des Etats-Unis de l’époque. Elle peut travailler dans une société urbaine et blanche mais plutôt progressiste qui fait figure de paradis d’exil pour sa famille originaire du Mississipi. « Till » met ainsi en scène la poursuite sans relâche de Mamie pour obtenir justice pour son fils de 14 ans brutalement lynché alors qu’il rendait visite à ses cousins dans le Sud, seize ans après la célèbre chanson « Strange Fruit » de Billie Holiday qui dénonçait déjà le lynchage des Noirs. C’est l’histoire poignante d’une mère dont le chagrin se mue en action et dont la détermination participera à faire évoluer le pays jusqu’à la promulgation par Joe Biden seulement quelques mois avant la sortie du film de la loi Emmett Till anti-lynchage après des décennies de blocage au Sénat !
Si l’actualité de cette nouvelle loi justifie le titre français, il n’en demeure pas moins trompeur dans la mesure où le récit se concentre sur la mère de la victime et sa relation avec son fils. Celle-ci est d’abord affectueuse et intime dans un premier acte insistant sur l’humanité des personnages avant de devenir engagée au profit de l’intérêt public comme le confirme la dernière phrase que prononce symboliquement Mamie à son fils dans le cercueil !
Réalisatrice récompensée au festival de Sundance en 2019 pour son film « Clemency » sur le milieu carcéral, la nigérienne d’Alaska Chinonye Chukwu voulait au départ faire un film plus léger mais le meurtre de George Floyd en 2020 la pousse à écrire un scénario sur le combat pour la justice de la communauté noire. Seulement, elle décide de ne pas montrer la violence subie par les Noirs et d’insister sur l’amour des personnages. Après avoir changé d’orientation de production en 2020 en se focalisant sur des projets mettant en avant les minorités, Orion – la filiale de MGM – prend en main le projet et le mène jusqu’à la course aux Oscars où son actrice principale Danielle Deadwyler (The Harder They Fall) passa tout près d’une nomination.
« Till » joue avec nos attentes dans son premier acte en sachant que le meurtre du fils va arriver, mais conserve néanmoins une chronologie linéaire sans chercher à faire une reconstitution des faits façon procès. S’il reste classique dans sa forme de biopic revenant sur un événement marquant de l’Histoire, sa réalisation fluide nous captive de bout en bout en enchaînant des plans fixes larges et mobiles serrés dans un cadrage travaillé. Entre gros plans sur les yeux de Mamie et reflets dans les miroirs, « Till » filme avant tout une mère et transmet son récit à travers elle.
Danielle Deadwyler porte le film – tout comme son personnage portait la mémoire de son fils et la cause noire avec le mouvement NAACP – avec son impressionnante performance d’actrice dont le jeu est parfois un peu démonstratif. Le film l’est d’ailleurs dans l’ensemble avec un récit assez didactique et une bande-originale qui force parfois inutilement l’émotion des scènes alors qu’elles ont déjà une autre chanson en lien avec l’intrigue. Mais malgré cela et une vérité certes toujours d’actualité mais déjà connue et vue au cinéma, « Till » réussit à faire progressivement monter la rage du spectateur face à ces faits outrageants. Dans l’ensemble c’est un très bon film à la fois puissant et émouvant !
Raphaël Sallenave
Chicago. 1955. Mamie raises her son Emmett alone in love and authenticity, far from the hatred that prevails in the South of the US at the time. She is able to work in an urban and white but rather progressive society that is a kind of exile heaven for her family from Mississippi. “Till” thus depicts Mamie’s relentless pursuit of justice for her 14-year-old son who was brutally lynched while visiting his cousins in the South, sixteen years after Billie Holiday’s famous song “Strange Fruit” that already spoke out against black lynching. This is the poignant story of a mother whose grief turns into action and whose determination will help change the country until Joe Biden signs the Emmett Till Anti-Lynching Act after decades of stalemate in the Senate!
If the topicality of this new law justifies the French title, it is nonetheless misleading insofar as the story focuses on the victim’s mother and her relationship with her son. This relationship is initially loving and intimate in a first act that highlights the humanity of the characters before turning into a fight for the public interest, as illustrated by the last words that Mamie symbolically utters to her son in the coffin!
As an award-winning director at the 2019 Sundance Film Festival for her film “Clemency” about the prison environment, Alaskan Nigerian Chinonye Chukwu initially wanted to make a lighter film but the murder of George Floyd in 2020 drove her to write a screenplay about the black community’s fight for justice. However, she decided not to show the violence suffered by black people and to insist on the characters’ love. After changing its production line in 2020 by focusing on projects that focus on minorities, MGM’s Orion took over the project and led it to the Oscar race, where its lead actress Danielle Deadwyler (The Harder They Fall) came close to a nomination.
“Till” plays with our expectations in its first act by anticipating the murder of the son, but nevertheless keeps a linear timeline without trying to make a trial-like reenactment of the facts. If it remains conventional in its formula of a biopic revisiting a significant event in history, its smooth direction captivates us from start to finish by mixing wide still shots and tight moving ones in a carefully crafted framing. Between close-ups on Mamie’s eyes and reflections in the mirrors, “Till” films above all a mother and conveys its story through her.
Danielle Deadwyler carries the film – just as her character carried the memory of her son and the black movement with the NAACP – with her impressive acting performance, although it can sometimes be a bit demonstrative. The film as a whole is too, with a rather didactic narrative and a soundtrack that sometimes unnecessarily emphasizes the emotion of the scenes when they already have another song related to the plot. But despite this and a truth that is certainly still relevant but already known and seen in movies, “Till” manages to gradually grow the viewer’s rage against these outrageous facts. All in all, it is a very good film, both powerful and moving!
Raphaël Sallenave