Border Line
La llegada (Upon Entry)
Grand Prix – Festival Premiers Plans d’Angers
Prix Police & du Public – Reims Polar
Horizon d’Or – CinéHoizontes
2024
FR EN
Littéralement le titre français de ce thriller psychologique signifie à la fois ‘ligne frontière’ – à savoir l’espace géographique et politique, le sas, précédant l’entrée dans un nouveau pays – et décrit aussi un trouble de la personnalité qui oscille entre psychose et névrose. Un titre polysémique à l’image du film et de la situation que vont vivre ses protagonistes … ‘au bord de la folie’. « Border Line » met donc en scène un couple d’Espagnols débarquant à New York pour y commencer une nouvelle vie de l’autre côté de l’Atlantique au pays de la liberté où il est permis de tout espérer !
Il est alors facile de s’identifier à ces personnages qui comme nous tous sont souriants, en sueur et sérieux – tout à la fois – face au douanier au moment de présenter le passeport. On attend inévitablement qu’il nous le rende avec un “Bienvenue aux États-Unis” plutôt que d’entendre “Suivez-moi, s’il vous plaît”, cette invitation courtoise mais ferme qui peut faire trébucher nos vies. Commencent alors les problèmes avec une série d’interrogatoires de plus en plus intrusifs et l’émergence d’une méfiance mutuelle fissurant progressivement le couple. Ce qui n’était qu’un point de départ (très) anodin, une situation somme toute banale, va vite se transformer en cauchemar dans ce thriller paranoïaque particulièrement bien structuré, mis en scène, et au dénouement explosif.
Écrit et réalisé par le duo Alejandro Rojas (monteur) et Juan Sebastián Vásquez (directeur de la photographie), « Border Line » est le premier film de ce duo de cinéastes vénézuéliens vivant en Espagne. Film multilingue (espagnol, catalan, anglais) tourné en seulement 17 jours pour une durée totale d’1h15, c’est un récit court au rythme soutenu, en essence très simple, et aussi minimaliste qu’haletant porté par un duo très juste et naturel avec Bruna Cusí (Été 93) & Alberto Ammann (Narcos) sans oublier l’autre actrice clé Laura Gómez au personnage très allégorique.
Avec une grande économie de moyens, le duo de cinéastes réussit un excellent thriller grâce à un huis-clos anxiogène et des choix de mise en scène créant une certaine claustrophobie. Leur film repose ainsi sur une (quasi) unité de temps et de lieu créant d’une part un rythme synchrone entre protagonistes et spectateurs, et d’autre part des décors étouffants où il n’y a guère d’issue. Il n’y a ainsi aucune scène d’extérieur (même dans le taxi, c’est toujours filmé depuis l’intérieur du véhicule), seulement quelques rares décors dévitalisés où travaillent des employés déshumanisés. Les personnages passent ainsi d’une banquette à une file d’attente en passant par des bureaux impersonnels et des salles d’attente silencieuses, bref que des non-lieux (Marc Augé). Ils y sont filmés dans un cadrage souvent resserré semblant les emprisonner et sont perturbés par les indications vagues des employés ou les rares bruits environnants (beau travail sur le son, sans aucune musique) participant à leur malaise croissant qui s’avère contagieux pour les spectateurs.
C’est donc un quasi huis-clos très travaillé créant un suspense saisissant dans ce dialogue de sourds entre une administration et ses candidats à ‘l’American Dream’. Fort d’une ironie acerbe, « Border Line » développe une mécanique implacable qui tient en haleine. C’est un film court, tendu, et drôle. En deux mots : une petite pépite !
{English below & Español al final}
ENGLISH
Literally, the French title of this psychological thriller means both a border line – i.e. the geographical and political space, the gateway, preceding entry into a new country – and also describes a personality disorder that hovers between psychosis and neurosis. This polysemous title mirrors the film and the situation in which its protagonists find themselves … ‘bordering on madness’. “Upon Entry” thus features a Spanish couple landing in New York to start a new life on the other side of the Atlantic in the land of freedom, where you can hope for anything!
This makes it easy to identify with these characters who, like the rest of us, are smiling, sweating and serious – all at the same time – as they face the customs officer presenting their passport. We unavoidably wait for him to hand it back to us with a « Welcome to the United States » rather than hearing « Follow me, please », that polite but strong invitation that can throw our lives off course. Then the troubles begin, with a series of increasingly intrusive interrogations and the rise of mutual distrust gradually tearing the couple apart. What was a (very) harmless starting point, an ordinary situation, soon turns into a nightmare in this paranoid thriller, which is particularly well-structured and staged, with a powerful ending.
Written and directed by the pair Alejandro Rojas (editor) and Juan Sebastián Vásquez (director of photography), “Upon Entry” is the first feature by this Venezuelan filmmaking duo living in Spain. This multilingual film (Spanish, Catalan, English), shot in just only 17 days for a total running time of 75 minutes, is a short, fast-paced narrative, in essence very simple, and as minimalist as it is thrilling. It stars Bruna Cusí (Summer 1993) & Alberto Ammann (Narcos) as a very fitting and authentic couple, along with the other key actress, Laura Gómez, who plays a very allegorical part.
With a minimum of resources, the filmmaking duo pull off an excellent thriller thanks to an anxiety-inducing enclosed space and staging choices that generate a sense of claustrophobia. Their film is built upon an (almost) unity of time and place, creating a synchronous flow between protagonists and viewers, as well as suffocating settings with virtually no escape. There are no exterior scenes (even in the cab, which is always filmed from the inside of the car), just a few devitalized sets where dehumanized employees work. The characters therefore move from a seat to a queue, passing through impersonal offices and silent waiting rooms – in other words, only non-places (Marc Augé). They are shot in an often tight frame that seems to imprison them, and are distracted by the vague indications of employees or the rare surrounding noises (beautiful work on the sound, without any music), adding to their growing unease, which is contagious for the spectators.
It’s an elaborate, almost closed-door situation, creating a gripping suspense in this absurd dialogue between an administration and its applicants for the ‘American Dream’. With its biting irony, “Upon Entry” delivers a relentless process that keeps you on the edge of your seat. It’s short, tense and funny. A real gem!
Raphaël Sallenave
ESPAÑOL
Literalmente, el título francés de este thriller psicológico significa a la vez « línea de frontera » – el espacio geográfico y político, la esclusa, que precede a la entrada en un nuevo país – y también describe un trastorno de la personalidad que fluctúa entre la psicosis y la neurosis. Es un título polisémico que refleja la película y la situación en la que se encuentran sus protagonistas… ‘ en la frontera de la locura’. Por lo tanto “La Llegada” cuenta la historia de una pareja española que llega a Nueva York para empezar una nueva vida al otro lado del Atlántico, en el país de la libertad, ¡donde se puede aspirar a todo!
Es fácil identificarse con estos personajes que, como el resto de nosotros, sonríen, transpiran y se muestran serios – todo al mismo tiempo – cuando se enfrentan al funcionario de aduanas presentando su pasaporte. Inevitablemente, esperamos a que nos lo devuelva con un « Bienvenido a los Estados Unidos » antes que oír « Sígame, por favor », esa cortés pero firme invitación que puede hacernos fracasar la vida. Entonces surgen los problemas, con una sucesión de interrogatorios cada vez más indiscretos y la aparición de una desconfianza mutua que va resquebrajando poco a poco a la pareja. Lo que era un punto de partida (muy) inocuo, una situación bastante banal, pronto se convierte en una pesadilla en este thriller paranoico, muy bien construido y dirigido, con un final explosivo.
Escrita y dirigida por el tándem Alejandro Rojas (montador) y Juan Sebastián Vásquez (director de fotografía), “La Llegada” es la primera película de este dúo de realizadores venezolanos afincados en España. Una película multilingüe (castellano, catalán, inglés) rodada en tan sólo 17 días para una metraje total de 75 minutos, es una historia corta y de ritmo trepidante, muy simple esencialmente, y tan minimalista como sobrecogedora, interpretada por un dúo muy acertado y natural con Bruna Cusí (Verano 1993) y Alberto Ammann (Narcos), sin olvidar a la otra actriz clave, Laura Gómez, que interpreta un personaje muy alegórico.
Con una gran economía de medios, los realizadores logran un excelente thriller gracias a un lugar cerrado angustioso y a unas decisiones de dirección que crean un clima claustrofóbico. Su película se basa en una (casi) unidad de tiempo y lugar, creando un ritmo sincrónico entre los protagonistas y los espectadores, así como decorados asfixiantes en los que apenas hay salida. No hay escenas exteriores (ni siquiera en el taxi, que siempre se filma desde el interior del vehículo), sólo algunos decorados desvitalizados donde trabajan empleados deshumanizados. Los personajes pasan de un asiento a una cola, atraviesan oficinas impersonales y salones silenciosos, es decir, solo no-lugares (Marc Augé). Están filmados en encuadres a menudo estrechos, que parecen aprisionarlos, y se ven perturbados por las indicaciones imprecisas de los empleados o los escasos ruidos circundantes (buen trabajo del sonido, sin música), que contribuyen a su creciente malestar, contagioso para los espectadores.
Es un metraje elaborado, casi a cámara, que crea un suspense apasionante en este diálogo absurdo entre una administración y sus candidatos al « sueño americano ». Con su acerada ironía, “La llegada” desarrolla un mecanismo implacable que te mantiene al borde del asiento. Es breve, tensa y divertida. ¡Una joya!