Un Métier Sérieux
2023
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Septembre. C’est la rentrée des écoles mais aussi celle du cinéma français après un été dominé par les divertissements américains. C’est donc lors d’une rentrée scolaire que s’ouvre le nouveau film de Thomas Lilti après sa trilogie médicale (Hippocrate ; Médecin de campagne ; Première année) avec un jeune professeur remplaçant sans expérience symboliquement nommé Benjamin rapidement confronté aux affres du métier de professeur. L’ex-médecin devenu scénariste et réalisateur signe ici une chronique d’un groupe d’enseignants de collège dans une galerie de personnages attachants.
Après avoir décrit un milieu qu’il connaissait personnellement pour l’avoir expérimenté, Thomas Lilti s’attaque cette fois à un univers que l’on a tous connu et qui fait donc appel à notre mémoire collective : l’éducation nationale. Une fois encore, il aborde la fiction par le réel et met en scène une profession garante d’une mission universelle (comme celle de sauver des vies dans ses trois précédents films) : la transmission du savoir. Une responsabilité aujourd’hui trop peu considérée alors que c’est le socle de la société. Il signe ainsi un portrait réaliste des femmes et des hommes qui nous accompagnent ou accompagnent nos enfants dans l’enfance. Et comme dans tous les métiers d’intérêt général, les enseignants sont confrontés à des dysfonctionnements et à leurs propres contradictions et difficultés. Comme dans le monde de la Santé, Lilti cherche alors à interroger la question de l’engagement à travers un métier : où puisent-ils leur motivation ? quels élèves ont-ils été ? quels parents sont-ils devenus ? et qu’en est-il de leur vocation ?
En cela « Un métier sérieux » ne traite pas d’une méthode pédagogique spécifique ou d’une situation particulièrement difficile, il montre plutôt ce que ‘être’ professeur représente dans la vie. Le film se déroule ainsi dans un collège ‘normal’ de région parisienne, ce n’est ni une classe difficile ni une école d’élite, la population y est socialement mélangée, et les personnages à vocation universelle. Un cadre peu mis en scène au cinéma. Lilti y fait vivre un esprit de groupe en maintenant un certain équilibre entre des moments de camaraderie et de crises allant des problèmes du quotidien aux incongruités du système. C’est un aperçu sur un groupe de professeurs sur l’ensemble d’une année scolaire qui se concentre finalement plus sur les personnes en tant que professeurs – à l’école et en dehors – que sur le cœur du métier et son bonheur inhérent, à savoir la relation avec l’élève et le processus de transmission et d’apprentissage. Paradoxalement pour un film sur l’école, il y a ainsi peu de scènes en classe.
C’est avant tout un film de groupe narrativement éclaté qui met en scène une bande de sept professeurs dont quatre ou cinq personnages principaux (bien que la frontière avec les secondaires soit assez fine) et où par conséquent chaque personnage n’est qu’assez peu développé au profit d’une relation de groupe et d’une atmosphère générale. Le réalisateur s’entoure de ses acteurs habituels, à commencer par Vincent Lacoste et son inaltérable candeur qui représente un peu son double, aux côtés de François Cluzet, Louise Bourgoin, William Lebghil et Adèle Exarchopoulos nouvelle recrue de la bande à Lilti. Ils incarnent des professeurs aux origines sociales et personnalités différentes qui traversent diverses étapes de leur carrière et les partagent au contact de leurs collègues. Les profils et les disparités entre ces enseignants sont d’ailleurs induites tout en nuances, d’un quai opposé de RER à un changement de coupe de cheveux symboliques …
Si le titre pourrait induire une intrigue plus engagée, c’est probablement son film le moins fort politiquement bien qu’il traite de certains sujets inhérents à l’éducation nationale et au métier de professeur. Les enjeux ne sont pas là. Ce n’est pas une charge politique, ni une démonstration éclatante de la force du corps enseignant. C’est un portrait multiple parfaitement crédible, tendre et juste au ton léger qui mêle des scènes chaleureuses et comiques à d’autres plus graves et ‘sérieuses’. C’est un film nostalgique qui a le don de nous ramener à nos années collège. Un nouveau beau film signé par un réalisateur attaché aux métiers de l’humain.
Raphaël Sallenave
September. It’s back to school time, but also back to French cinema after a summer of American entertainment. Thomas Lilti’s new film, following on from his medical trilogy (Hippocrate; Médecin de campagne; Première année), opens at the start of a new school year, with a young, inexperienced substitute teacher symbolically named Benjamin, quickly facing the challenges of teaching. Here, the ex-physician-turned-screenwriter-director chronicles a group of middle-school teachers through a cast of endearing characters.
After depicting a world he knew personally first-hand, Thomas Lilti now tackles a world we’ve all experienced, and which therefore speaks to our collective memory: the education system. Once again, he approaches fiction through reality, portraying a profession with a universal mission (like saving lives in his three previous movies): the sharing of knowledge. It’s a responsibility that’s too little appreciated today, even though it’s the foundation of society. As such, he creates a realistic portrait of the men and women who guide us or our children through childhood. And, as in all professions of public interest, teachers are confronted with failings and their own contradictions and difficulties. As in the world of health care, Lilti explores the question of commitment through a profession: where do they find their motivation? what kind of children have they been? what kind of parents have they become? and what about their calling?
In this respect, “Un métier sérieux” is not about a specific teaching method or a particularly difficult situation, but rather illustrates what « being » a teacher means in real life. The film is set in a « regular » secondary school in the Paris area, neither a difficult class nor an elite school, with a socially mixed population and characters with a universal outlook. It’s a milieu that’s rarely found in cinema. Lilti brings a group spirit to life, maintaining a certain balance between moments of camaraderie and crises ranging from everyday problems to the incongruities of the system. ENG 2/2: It’s a snapshot of a group of teachers over the course of a whole school year that ultimately focuses more on the people as teachers – in and out of school – than on the essence of the profession and its inherent joy, which lies in the relationship with the pupils and the process of transmission and learning. Paradoxically for a film about school, there are very few classroom scenes.
It’s above all a narratively dispersed ensemble movie featuring a band of seven teachers, four or five of whom are main characters (although the frontier with the supporting cast is quite fine), and where each character is consequently only slightly developed in favor of a group relationship and an overall atmosphere. The director brings back his usual cast, starting with Vincent Lacoste and his unwavering candor as kind of his own alter ego, alongside François Cluzet, Louise Bourgoin, William Lebghil and Adèle Exarchopoulos, the newest addition to Lilti’s gang. They play teachers from different social backgrounds and with different personalities, who go through various stages of their careers and share them with their colleagues. The profiles and disparities between these teachers are conveyed with nuance, from an opposite RER platform to a change of hairstyle…
While the title might suggest a more militant plot, it’s probably his least politically potent film, although it does deal with certain issues inherent in the French education system and the teaching profession. The stakes aren’t there. It’s not a political indictment, nor a dazzling demonstration of the strength of the teaching community. It’s a perfectly credible multiple portrait, tender and fair, with a light-hearted tone that blends warm, comic scenes with more dramatic, « serious » ones. It’s a nostalgic film that takes us back to our middle-school years. Another beautiful movie by a director committed to human professions.
Raphaël Sallenave