Levante
2023
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Terme polysémique ‘levante’ signifie à la fois soulèvement en portugais, fait aussi référence au mouvement du volley-ball, et désigne en brésilien une plante utilisée dans les rites magiques pour délivrer des pouvoirs. C’est un mot qui dit beaucoup et synthétise parfaitement ce film brésilien engagé coproduit à l’international (Brésil, France, Uruguay) après que son financement a été annulé dans le cadre de coupes budgétaires à caractère politique du gouvernement de Jair Bolsonaro.
Abrazo du Meilleur film au festival du cinéma latino-américain de Biarritz, il met en scène une métisse bisexuelle de 17 ans aux cheveux crépus bicolores, talentueuse joueuse de volley-ball dans son équipe inclusive de Capão Leste, un des quartiers déshérités de São Paolo. Candidate sérieuse à une bourse sportive elle se retrouve confrontée à un difficile choix et doublement piégée lorsqu’elle apprend être enceinte dans un pays, rappelons-le, où l’IVG continue d’être sévèrement réprimée.
« Levante » est le portrait d’une femme et un tableau alarmant d’une société brésilienne contrastée où le choix du genre est accepté mais où la ferveur catholique reste omniprésente avec la recrudescence de l’évangélisme. Un pays où les cinémas sont depuis quelques années régulièrement transformés en églises et où les murs peuvent tout aussi bien être recouverts de graffitis dénonciateurs et fondamentalistes qu’accueillir des mots de protestation !
Pour son premier long-métrage, la réalisatrice Lillah Halla signe un film queer joyeusement révolté dont le récit militant dégage une belle énergie et sincérité. S’il s’attaque à la question du droit à l’avortement en tant que problème social, son film tisse également de nombreux liens entre ses personnages mêlant histoire d’amour, relation sportive et engagement de groupe dans une sororité qui gagne le match de la liberté. L’équipe de volley est en effet composée de joueuses non-binaires ou transgenres sans que la réalisatrice n’en fasse son sujet. Elle ne problématise jamais l’appartenance de genre de ses personnages ce qui la rend d’autant plus naturelle. C’est plus qu’une équipe, c’est une famille, car la famille c’est aussi une affaire de choix à l’image de la grossesse qui cristallise les enjeux du film. Le cadre sportif convoque de plus l’idée de stratégie et souligne l’importance d’organisation collective, en travaillant, s’entraînant et grandissant ensemble, dans cet héroïsme collectif porté par une jeunesse queer solidaire qui refuse tout formatage.
« Levante » marque par le dynamisme de sa bande-originale à base d’électro-rap local, sa forte thématique, ou encore la subtilité de son intrigue aussi bien dans la justesse de sa relation paternelle que dans la duperie d’un centre de santé privé dont la fonction déguisée n’est en fait que de dissuader les femmes d’avorter. S’il revisite ainsi le genre du teen movie, il surprend et peut décevoir quelque peu dans certains choix de mise en scène avec d’une part des parties de volley très peu et mal filmées enlevant un peu de crédibilité à la qualité sportive de la protagoniste, et d’autre part une répétition de temps morts avec de succincts écrans noirs très fréquents laissant les scènes se dérouler tout en cassant le rythme et la continuité.
Evidemment, l’essentiel ne se trouve pas dans ces bémols, et « Levante » reste avant tout une œuvre sociétale pleine d’humanité qui porte haut le droit des femmes à disposer de leur vie et de leur corps dans un Brésil infiltré par la religion où la réalisatrice apporte une réponse à la fois pop, sexy et sportive.
Raphaël Sallenave
‘Levante’ can mean a lot of different things: it’s Portuguese for uprising, it also describes the volleyball movement, and it’s Brazilian for a plant used in magical rites to deliver powers. It’s a word that says a lot and perfectly sums up this committed Brazilian film co-produced internationally (Brazil, France, Uruguay) after its funding was rescinded due to politically-motivated cutbacks by Jair Bolsonaro’s government.
Winner of the Abrazo for Best Film at the Biarritz Festival of Latin American Cinema, it features a 17-year-old bisexual girl with frizzy bicolored hair, who’s a talented volleyball player on her inclusive team in Capão Leste, one of São Paolo’s underprivileged neighborhoods. She’s a strong candidate for a sports scholarship, but finds herself faced with a difficult choice, and caught in a two-edged trap when she finds out she’s pregnant in a country where, let’s not forget, abortion is still strictly repressed.
“Power Alley” (“Levante” is the original title) is a portrait of a woman and an alarming snapshot of a contrasting Brazilian society where the choice of gender is accepted, but where Catholic devotion remains ever-present, with an influx of evangelicalism. It’s a country where cinemas have been regularly transformed into churches over the past few years, and where walls are just as likely to be covered with denunciatory, fundamentalist graffiti as they are with words of protest !
For her first feature film, director Lillah Halla delivers a joyously rebellious queer movie whose militant narrative exudes energy and sincerity. While it tackles the issue of abortion rights as a social matter, her film also weaves numerous bonds between its characters, mixing a love story, a sporting relationship and a group commitment in a sorority that plays the game of freedom. The volleyball team is made up of non-binary or transgender players, but the director never makes this her topic. She never questions her characters’ gender identity, which makes it all the more natural. This is more than a team, it’s a family, because family is also a matter of choices, just like the pregnancy at the heart of the film. The sports environment also conjures up the idea of strategy and underlines the importance of collective management, working, training and thriving together, in this collective heroism carried by a supportive queer youth that rejects any kind of standardization.
“Power Alley” stands out for its dynamic soundtrack based on local electro-rap, its strong themes and the subtlety of its plot, both in the relevance of its paternal relationship and in the deception of a private health center whose disguised function is in fact to deter women from getting abortions. While the film revisits the teen movie genre, some of its directorial choices are surprising and somewhat disappointing: on the one hand, the volleyball matches are poorly and sparsely filmed, taking away some of the credibility of the protagonist’s athleticism; on the other hand, there is a repetition of time-outs, with frequent, succinct black screens that let the scenes unfold while breaking the pace and flow.
Of course, these minor quibbles are not the most important thing, and “Power Alley” remains above all a societal piece of cinema full of humanity, which raises the issue of women’s right to control their own lives and bodies in a religiously infiltrated Brazil, to which the director offers a pop, sexy and sporty response.
Raphaël Sallenave