Sissi & Moi
Sisi und Ich (Sisi & I)
2023
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Loin de l’interprétation de Romy Schneider dans les années 1950, l’impératrice Elisabeth d’Autriche – dite Sissi – inspire aujourd’hui des relectures féministes. Après l’Autrichienne Marie Kreutzer l’an dernier, l’Allemande Frauke Finsterwalder reprend quelques éléments du répertoire anachronique déployé dans le film « Corsage » avec ses inclinaisons modernes et une bande-originale énergique et contemporaine. La comparaison entre les deux films est inévitable tant ils proposent une vision similaire de cette indomptable figure de l’imaginaire collectif. Mais l’originalité de « Sissi & Moi » vient justement de ce ‘moi’ qui introduit un point de vue extérieur en axant le récit sur la servante et offrant ainsi une autre manière de voir Sissi.
Lorsqu’à la fin du 19e siècle, la comtesse Irma Sztáray est choisie comme dame de compagnie de l’Impératrice, cette dernière fuit la compagnie masculine pour vivre entourée de femmes loin des étouffantes conventions de la Cour. Irma est alors envoyée en Grèce, à Corfou, loin de l’étiquette impériale dans laquelle elle a été élevée. De grands changements s’offrent à elle devant la vie frugale, sportive et espiègle de l’Impératrice. Sous les premières difficultés, une complicité va naître qui pourrait virer à l’amour fanatique …
Jouant ainsi entre faits historiques et pure fiction, « Sissi & Moi » mise sur une approche décalée éprise de liberté loin du faste des grands dîners impériaux de l’époque et du décor luxuriant de la plupart des biopics de couronnés. Le film ne comporte également aucune musique d’époque et y préfère une sélection pop/rock anglophone exclusivement composée de voix féminine recentrant une nouvelle fois le récit sur l’histoire de l’impératrice et de sa servante plutôt que sur la société impériale. C’est avant tout l’histoire de ce duo – porté par l’excellente Sandra Hüller encore dans un rôle très différent cette année (Anatomie d’une chute ; La zone d’intérêt) et une superbe Susanne Wolff (L’étranger en Moi ; Styx) – dont la relation va occasionner de profonds changements de style et d’attitude.
Ces changements sont notamment vestimentaires passant du lourd attirail d’époque à un style plus épuré, plus léger, plus souple (et plus neutre aussi ?). Les créations richement colorées de la costumière Tanja Hausner racontent ainsi une grande partie de l’histoire, brouillant les époques avec aplomb, la délicate corseterie d’époque cédant alors la place à des vêtements anachroniques. La très belle composition de Thomas Kiennast souligne également cette évolution des mentalités et de l’histoire de la Femme en ouvrant le film sur un espace fermé où les femmes (corsetées qui plus est) sont enfermées dans un monde qui les domine avant que le cadre large des vastes environnements naturels les libère de leurs contraintes sociales.
Si la durée du film se fait quelque peu sentir dans la deuxième partie, « Sissi & Moi » reste une proposition intéressante offrant un point de vue intrigant sur la plus célèbre ‘kaiserin’ qui risque malheureusement de rester dans l’ombre de « Corsage ». Une romance historique multilingue décalée dont l’approche réussit à revisiter la vie de l’Impératrice Sissi.
Raphaël Sallenave
Far from Romy Schneider’s 1950s portrayal, Empress Elisabeth of Austria – better known as Sisi – now inspires several feminist interpretations. After the Austrian Marie Kreutzer last year, Germany’s Frauke Finsterwalder takes up some elements of the anachronistic repertoire featured in the film “Corsage” with her modern inclinations and an energetic, contemporary soundtrack. Comparisons between the two films are inevitable, as they offer a similar vision of this unyielding figure in popular imagination. But the originality of “Sisi & I” comes precisely from this « I », which introduces an external point of view by focusing the narrative on the handmaiden, thus providing another perspective on Sisi.
When, at the end of the 19th century, Countess Irma Sztáray is chosen as the lady-in-waiting to the Empress, the latter flees male company to live surrounded by women, far from the stifling conventions of the Court. Irma is then sent to Corfu, Greece, far from the imperial etiquette in which she was raised. The Empress’s frugal, sporty and mischievous way of life opens up new horizons for her. Underneath the initial challenges, a complicity is born that could turn into fanatical love…
Mixing historical fact with pure fiction, “Sisi & I” takes an offbeat, free-spirited approach, far removed from the glitz and glamour of the imperial dinners of the time and the lush settings of most royal biopics. The film also features no period music, instead opting for an English-speaking pop/rock soundtrack exclusively made up of female voices, once again refocusing the narrative on the story of the empress and her maid rather than on imperial society. Above all, it’s the story of this duo – led by the excellent Sandra Hüller, again in a very different role this year (Anatomy of a Fall; The Zone of Interest) and a brilliant Susanne Wolff (Das Fremede in mir; Styx) – whose relationship leads to major alterations in style and attitude.
These transformations include a shift in clothing from heavy period accoutrements to a sleeker, lighter, more flexible (and more neutral, too?) style. Costume designer Tanja Hausner’s richly colored creations tell much of the story here, blurring eras with aplomb, as delicate period corsetry gives way to anachronistic outfits. Thomas Kiennast’s beautiful framing also emphasizes this evolution in mindset and in the history of women, opening the film in a closed space where women (corseted, no less) are locked up in a world that dominates them, before the wide frame of vast natural environments frees them from their social constraints.
Although the film’s length is somewhat felt in the second half, “Sisi & I” remains an interesting proposition offering an intriguing take on the most famous ‘kaiserin’, which unfortunately runs the risk of remaining in the shadow of « Corsage ». An off-kilter, multilingual historical romance whose approach succeeds in revisiting the life of Empress Sisi.
Raphaël Sallenave