Simple Comme Sylvain
(The Nature of Love)
Meilleur Film Étranger – Césars
Meilleure réalisation – Iris
Meilleure direction de la photographie – Iris
2023
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“Sauf une fois au chalet …” ?
L’expression populaire québécoise pourrait ici désigner l’élément déclencheur de cette comédie sentimentale où un chalet de vacances dans les Laurentides d’un couple de Montréal devient le lieu inoubliable d’un adultère qui va remettre en question beaucoup de choses. C’est l’histoire d‘une rencontre entre deux êtres qui pourraient difficilement être plus différents : Sophia est professeure de philosophie quand Sylvain travaille dans la construction, l’une vient de la ville et l’autre d’un milieu rural, l’une aime s’habiller chic quand l’autre ne sort jamais sans une casquette vissée sur le front … Comme on dit, les opposés s’attirent, mais est-ce bien vrai et cela peut-il durer ?
Pour son troisième long-métrage, Monia Chokri (La Femme de mon Frère ; Babysitter) signe une comédie romantique jubilatoire, originale et décalée à partir d’un postulat de départ certes classique dans le genre des rom-coms mais en traitant pour une fois son sujet à fond : on n’a jamais vu cette histoire-là aussi bien racontée. C’est un film plein de tendresse à la fois drôle et profond, à la fois très fleur bleue et en même temps particulièrement caustique. Présenté dans la catégorie ‘Un Certain Regard’ au festival de Cannes, « Simple comme Sylvain », est une œuvre complète portée par les superbes interprétations de Magalie-Lépine Blondeau, Pierre-Yves Cardinal et Francis-William Rhéaume.
Que ce soit le versant des sentiments ou du rire, Monia Chokri frappe juste. On s’esclaffe beaucoup en riant avec les personnages plutôt que d’eux, et on croit à cette relation qui fait le pont entre deux mondes grâce à de savoureux dialogues qui nous plongent avec la même aisance dans les deux milieux, celui d’une intellectuelle citadine et celui plus modeste de la campagne. Sylvain est simple, généreux, chaleureux et peut tout aussi bien dire des énormités que trouver la déclaration d’amour absolu. La scénariste, réalisatrice et actrice québécoise adore orchestrer ces échanges autour de scènes de dîner (oh scusez de soupers) bouillonnantes où les dialogues se chevauchent comme dans la vraie vie.
Quant à l’examen des relations amoureuses et de couple, il touche juste et pointe le couple comme un système social, économique, politique, familial fabriqué qui n’a longtemps rien eu à voir avec l’amour. L’amour fait appel au chaos quand le couple fait lui appel à l’ordre. Comment alors conjuguer un tel système avec un sentiment aussi volatile que l’amour ? Et d’abord qu’est-ce que l’amour ? une passion ? une relation ? une famille ? « Simple comme Sylvain » met en lumière les choix qui s’offrent à nous avec l’évolution de la société et l’indécision qui va avec, et questionne la nature même de l’amour en citant aussi bien du Schopenhauer, Platon ou Spinoza que du Michel Sardou ou encore le groupe de rock allemand Scorpions.
Monia Chokri réussit une romance réaliste à la fois très comique, sensuelle et charnelle au ton décalé bien aidé par un montage de qualité et de magnifiques scènes où la réalisation joue sur les codes de la comédie romantique. C’est une histoire d’amour qui tente d’échapper au déterminisme social et à l’entre-soi en s’amusant des frontières (poreuses ?) entre classes sociales : un vrai cocktail de comique, énergique et mélancolique. Un très beau film.
Raphaël Sallenave
« Except once at the chalet… »?
The popular expression in Quebec could be the starting point for this love comedy, in which a Montreal couple’s vacation chalet in the Laurentians becomes the unforgettable setting for an affair that calls a lot of things into question. It’s the story of a meeting between two people who could hardly be more different: Sophia is a philosophy professor while Sylvain works in construction, one comes from the city and the other from a rural area, one likes to dress fancy while the other never goes out without a cap screwed on his forehead … As they say, opposites attract, but is it really true and can it last?
For her third feature film, Monia Chokri (A Brother’s Love; Babysitter) crafts a delightful, original and offbeat romantic comedy around a premise that’s certainly familiar in the rom-com genre, but that, for once, tackles its subject matter head-on: it’s a story that’s never been told so well. It’s a deeply tender movie that’s both funny and insightful, very sweet and at the same time particularly sharp. Presented in the « Un Certain Regard » category at the Cannes Film Festival, “The Nature of Love” is a complete work of art, with superb performances by Magalie Lépine-Blondeau, Pierre-Yves Cardinal and Francis-William Rhéaume.
Monia Chokri nails it on both the emotional and laughter fronts. We laugh a lot, with the characters rather than at them, and we believe in this relationship that bridges two worlds, thanks to clever dialogues that take us equally well into the two milieus, that of an intellectual city-dweller and that of the more modest countryside. Sylvain is simple, generous, warm-hearted and just as capable of saying the most outrageous things as he is of making the ultimate declaration of love. The Quebec writer/director/actress loves to orchestrate these exchanges around lively dinner scenes where dialogue overlaps just like in real life.
As for the exploration of love and relationships, it strikes just the right note, pointing to the couple as a manufactured social, economic, political and family system that for a long time had nothing to do with love. Love calls for chaos, while the couple calls for order. So how do you reconcile such a system with a feeling as volatile as love? And what is love in the first place: a passion? a relationship? a family? “The Nature of Love” explores the choices we face as society evolves, and the indecisiveness that goes with them, and challenges the very nature of love, quoting the likes of Schopenhauer, Plato and Spinoza, as well as Michel Sardou and the German rock band Scorpions.
Monia Chokri signs a realistic romance both highly funny, sensual and carnal, with a playful tone bolstered by excellent editing and wonderful scenes in which the cinematography skillfully plays with the codes of rom-coms. It’s a love story that tries to escape from social determinism and social isolation, while poking fun at the (loose?) boundaries between social classes. It’s a genuine cocktail of comedy, energy and melancholy. A great picture.
Raphaël Sallenave