Adolescence
[TV]
Mini-série / Miniseries
2025
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Dès la scène d’introduction de cette série coup de poing, le ton est donné ! On y suit deux policiers se rendre dans une modeste maison pavillonnaire, y entrer en force et arrêter un jeune garçon de 13 ans suspecté de meurtre, puis l’embarquer jusqu’au commissariat pour l’interrogatoire. Jusque-là rien d’extraordinaire, sauf que la séquence est filmée sans aucune coupe, renforçant donc inévitablement l’immersion et l’intensité de la scène dès le départ. Mais ça ne s’arrête pas là puisque l’intégralité de l’épisode est en réalité tournée en un unique plan-séquence d’une heure, et la série répète cet incroyable prouesse sur ses quatre épisodes !
La caméra ne quitte donc jamais l’action. Et nous non plus ! Ce n’est pas un effet de style superficiel mais bien un choix de forme très efficace pour nous plonger en temps réel dans la tension vécue par les personnages. C’est donc un aspect technique qui enrichit l’intrigue en la rendant d’autant plus haletante, voire suffocante – avec toutefois des moments de respiration bien placés. C’est un choix très audacieux et très complexe du réalisateur Philip Barantini et de son chef-opérateur Matthew Lewis (qui avaient déjà signé ensemble l’impressionnant « The Chef ») qui a demandé une immense collaboration entre les équipes, notamment technique et narrative. En effet pour réussir de tels plans-séquences sans coupes cachées, cela demande une impressionnante préparation et anticipation dans le placement des acteurs, des figurants, ainsi que des cadreurs et opérateurs sons qui doivent également apprendre la chorégraphie au millimètre près. Évidemment, cela a nécessité plusieurs essais dans la mesure où la série comprend de nombreux plans très mobiles – nécessitant des transferts de caméras d’un cadreur à un autre, ou d’un support à un autre, le tout en masquant évidemment toute l’équipe – notamment au milieu d’une foule d’élèves, ou à l’inverse avec un épisode en huis-clos utilisant les moindres mouvements des personnages ou variations de tempérament pour bouger la caméra. Bref, c’est certes très technique mais la forme ne prend absolument pas le pas sur le fond avec une intrigue qui se révèle particulièrement forte et salutaire.
Si c’est donc la technique qui impressionne de prime abord, c’est bien l’histoire qui nous marque et que l’on retient à la fin – c’est là, la grande force de cette série. Dans cette mini-série britannique disponible sur Netflix et co-créée par l’acteur Stephen Graham (The Chef ; Snatch) et le dramaturge Jack Thorne (Radioactive ; Toxic Town), pas de père violent ou de mère alcoolique. Non, c’est encore plus terrifiant. Alors que les crimes juvéniles à l’arme blanche ont augmenté de 240% au Royaume-Uni en l’espace de dix ans, « Adolescence » nous plonge dans une dure réflexion sur la manosphère et tout ce monde obscur – pour tout autre génération que celle née avec les réseaux sociaux – de cyber violence, masculinité toxique ou misogynie en ligne qui divisent les jeunes entre incels et alphas sur de prétendues lois des 80/20. L’intrigue ne pose pas une question facile sur ce sujet et ne propose pas de réponse définitive, mais démontre avec une redoutable efficacité le piège qui peut se refermer sur des familles qui n’ont rien d’intrinsèquement violentes. C’est un message fort qui suscitera assurément des conversations entre parents …
Avec sa structure en quatre épisodes, « Adolescence » propose quatre chronologies différentes lui permettant d’explorer non seulement quatre temps, mais aussi quatre dimensions du problème : les faits ; le milieu ; les racines ; l’éducation. En seulement quelques scènes succinctes, la série offre un exposé de la férocité des rapports (somme toute banals) entre enfants et de cette jungle de l’altérité ; ainsi que des répercussions sociales de tels actes sur l’entourage des victimes et agresseurs. C’est une puissante leçon, très émouvante et percutante portée bien sûr par l’acteur et co-créateur de la série – entouré d’un excellent casting avec notamment Ashley Walters, Faye Marsay, Christine Temarco, Amélie Pease, Erin Doherty – mais surtout par le jeune et saisissant Owen Cooper dont c’est le premier rôle ! D’autant plus que toute cette troupe doit maintenir son jeu pendant une heure à chaque fois avec d’importantes variations émotionnelles …
La composition discrète mais puissante d’Aaron May et David Ridley accompagne également très bien ces longues séquences durant lesquelles on passe d’un sentiment à un autre. Au-delà du choix de plan-séquence et de cette histoire au plus près des faits actuels, la mise en scène de la série accentue donc l’immersion du spectateur par un très bon travail sur le son et une grande volonté de réalisme qui se retrouve dans les décors, les protocoles, les accessoires, les dialogues bien sûr, mais aussi de nombreux détails symptomatiques. Par sa virtuosité artistique, ses performances remarquables, et son intrigue dévastatrice, « Adolescence » s’impose comme un appel à l’écoute et à la discussion. C’est tout simplement l’une des meilleures séries de l’année. Une masterclass !
Right from the opening scene of this gut-punching series, the tone is set! Two police officers drive to a modest suburban house, break in and arrest a 13-year-old boy on suspicion of murder, then take him to the police station for questioning. So far, nothing out of the ordinary, except that the sequence is filmed without any cuts, thereby further enhancing the immersion and intensity of the scene from the outset. But it doesn’t quite stop there, as the entire episode is actually shot in a single one-hour long shot, and the series repeats this incredible feat across all four episodes!
So, the camera never leaves the action. And neither can we! This is not a superfluous visual device, but a highly effective stylistic choice that draws us into the tension experienced by the characters in real time. It’s a technical aspect that makes the plot all the more breathtaking, even suffocating – though with a few well-timed breathing moments. It’s an extremely ambitious and complex choice from director Philip Barantini and his cinematographer Mathew Lewis (who had already worked together on the impressive “Boiling Point”), and one that required a huge amount of collaboration between the teams, especially technically and narratively. Indeed, to pull off such long shots with no hidden edits requires tremendous preparation and anticipation in the positioning of actors and extras, as well as cameramen and boom operators, who also have to learn the dance down to the smallest detail. Obviously, this required several attempts, as the series includes many highly moving shots – requiring camera handovers from one cameraman to another, or from one rig to another, all while obviously hiding the entire crew – particularly in the midst of a crowd of school kids, or conversely with a fully closed-door episode using the slightest character movement or variation in temperament to keep the camera moving. All in all, it’s very technical, yes, but the style never detracts from the substance, with a plot that proves particularly strong and necessary.
If it’s then the technical wizardry that initially strikes you, it’s definitely the story that really gets under your skin and stays with you in the end – and that’s the real strength of this show. In this British mini-series available on Netflix and co-created by actor Stephen Graham (Boiling Point; Snatch) and playwright Jack Thorne (Radioactive; Toxic Town), there’s no violent father or alcoholic mother. No, it’s even more terrifying. At a time when youth crime with sharp objects and knives has rocketed by 240% in the UK over the past decade, “Adolescence” delves into a grim look at the manosphere and that whole dark world – for any generation other than the one born with social media – of cyber-violence, toxic masculinity and online misogyny that divides young people between incels and alphas on so-called 80/20 rules. The plot doesn’t raise an easy question on this subject, nor does it offer a definitive answer, but it does illustrate with frightening effect the trap that can close on families that have nothing inherently violent about them. It’s a powerful message that’s bound to spark conversations among parents…
With its four-episode structure, “Adolescence” offers four different time frames, enabling it to explore not only four times, but also four dimensions of the issue: the facts; the environment; the foundations; the upbringing. In just a few brief scenes, the series offers an insight into the ferocity of (all-too-common) relationships between children and this jungle of alterity; as well as the social aftermath of such deeds on those around the victims and perpetrators. It’s a powerful, moving and striking lesson, delivered of course by the actor and co-creator of the series – along with an excellent cast including Ashley Walters, Faye Marsay, Christine Temarco, Amélie Pease and Erin Doherty – but above all by the young, astonishing Owen Cooper, in his acting debut! All the more so as the whole cast has to keep up their performance for an hour at a time, with major emotional shifts …
Aaron May and David Ridley’s quiet yet potent score is also a perfect complement to these long sequences, during which we drift from one feeling to another. Beyond the choice of long uncut shots and the story’s close proximity to current events, the series’ direction thus intensifies the viewer’s immersion through great sound work and a strong commitment to realism, reflected in the sets, protocols, props and dialogue, of course, but also in various telling details. With its artistic virtuosity, staggering performances and devastating story, “Adolescence” stands out as a plea to talk and listen. Quite simply, it’s one of the very best series of the year. What a masterclass!