Rsg Production

La Convocation

 
Armand
 
Caméra d’Or – Cannes

2024/2025

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Lorsqu’un incident se produit à l’école, les parents d’élèves sont convoqués par la direction pour élucider et mettre un terme à cette crise. Mais les points de vue s’affrontent jusqu’à faire trembler les certitudes dans la mesure où les faits ne sont pas clairement établis et leur gravité débattable. Une seule chose est sûre, il faut mettre en place une procédure. Laquelle ? Il faut (juste) mettre en place une procédure !

Ce premier film – récompensé de la Caméra d’Or à Cannes – porté par Thea Lambrechts Vaulen, Ellen Dorrit Petersen et Renate Reinsve (Julie en 12 chapitres), nous fait entrer dans un petit théâtre des relations humaines où les mots sont dramatisés et débattus. Les enfants sont curieusement absents et ce qui leur est arrivé est de moins en moins présent dans la discussion … Ce film plein de non-dits crée ainsi son suspense par la rétention d’informations : le spectateur (tout comme la protagoniste principale à son arrivée à l’école) découvre progressivement les faits et a donc recours à son imaginaire pour comprendre la situation. Au travers d’allusions, sous-entendus, arguments biaisés et différents jeux de regards, il nous fait ainsi théoriser sur les relations entre ces personnages (tous plus ou moins ambigus) et sur la véracité des faits.

Halfdan Ullmann Tøndel joue sur ce doute permanent où l’on ignore qui croire ou quoi penser pour opérer un basculement progressif du réalisme du sujet vers une fugue fantasmatique qui convoque plutôt une expérience sensorielle. Le jeune réalisateur norvégien travaille en effet son univers visuel et sonore pour amplifier le trouble intérieur des personnages (et celui du spectateur par conséquent) à travers des ruptures de ton (après les mots, c’est le corps qui a besoin de s’exprimer), des scènes étirées en longueur (parfois comiques, parfois désarçonnantes), et des effets stylistiques (presque artificiels). Il joue ainsi sur son huis-clos dans cette école déserte et caniculaire dont le dédale de couloirs et la myriade de fragments du passé transcendent la banalité du décor et en font un lieu énigmatique et presque menaçant.

S’il finit par se perdre quelque peu dans son labyrinthe expressif, « La Convocation » reste un drame audacieux qui filme la complexité humaine et illustre la fragilité de nos certitudes en nous poussant à trouver une vérité au-delà des faits. Si son sens (métaphorique ou pas) reste encore ambivalent à la sortie, cela veut aussi dire qu’il est ouvert aux interprétations …

Raphaël Sallenave

 

When an incident occurs at the school, the parents are summoned by the headmaster to clear up the matter and bring the crisis to an end. But points of view collide to the point of shaking certainties, insofar as the facts are not clearly established and the degree of seriousness open for debate. Only one thing is for sure: a procedure needs to be set up. What procedure? A procedure (just) needs to be set up!

This first feature – which won the Caméra d’Or at Cannes – stars Thea Lambrechts Vaulen, Ellen Dorrit Petersen and Renate Reinsve (The Worst Person in the World), and invites us into a small theater of human relations, where words are dramatized and debated. The children are strangely missing, and what happened to them is less and less central to the debate… This film, full of unspoken things, builds its suspense by withholding information: the viewer (like the main protagonist on her arrival at the school) gradually discovers the facts, and has to rely on their own imagination to understand the situation. Through allusions, innuendoes, biased arguments and different gaze interplays, it makes us speculate on the relationships between these characters (all of whom are more or less ambiguous) and on the veracity of the facts.

Halfdan Ullmann Tøndel draws on this permanent doubt, where we don’t know who to believe or what to think, to gradually shift from the realism of the story to a phantasmatic journey that is more akin to a sensory experience. The young Norwegian director crafts his visual and sound environment to magnify the inner turmoil of the characters (and thereby the viewer’s) through tonal shifts (after the words, the body needs to express itself), scenes stretched out at length (sometimes funny, sometimes disconcerting), and style effects (almost artificial). He thus plays with his closed-door setting in this deserted, sweltering school, whose maze of corridors and plethora of past fragments transcend the banality of the setting, turning it into an enigmatic, almost threatening place.

If it ends up getting a little lost in its expressive labyrinth, “Armand” remains a bold drama that captures human complexity and depicts the frailty of our certainties, challenging us to find a truth beyond the facts. If its meaning (metaphorical or otherwise) remains ambivalent right until the end, this also means that it is very much open to interpretation…

Raphaël Sallenave

Julie en 12 Chapitres
Sick of Myself