Presence
2025
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Entre les murs d’une maison cossue vit une famille qui lentement se décompose : il y a Rebecca, la mère, absorbée par le travail et qui n’a d’yeux que pour son fils Tyler, sportif de haut niveau à l’université et plutôt prétentieux ; il y a Chris, le père, qui malgré ses efforts monstrueux pour maintenir un semblant de cohésion au sein de son foyer, sombre dans la dépression ; et il y a Chloe, adolescente solitaire, fragile et traumatisée par la mort récente de sa meilleure amie. Et leur installation dans cette nouvelle demeure ne va pas améliorer leur situation. C’est du moins ce que constate, impuissante, une présence fantomatique et silencieuse qui habite les lieux…
Si ce synopsis vous paraît bien plus dramatique qu’horrifique, c’est parce que « Presence » est en effet bien plus un drame familial qu’un film d’horreur effrayant. De fait, la présence ne se manifeste à la famille Payne le plus souvent que par quelques rares souffles ou mouvements d’objets ; elle est à peine perceptible. Seule Chloe est d’ailleurs capable de la sentir, ce qui lui vaut de nombreuses querelles avec son frère et sa mère qui ne la croient pas – contrairement à son père qui, lui, essaye de la soutenir.
Mais quelle est cette présence ? N’y en a-t-il qu’une, d’ailleurs ? Si les conversations entre les personnages et leurs réactions (en particulier celles de Chloe) suggèrent une piste, la question n’est jamais réellement résolue. Aussi parce que le réalisateur Steven Soderbergh (« Ocean’s Eleven », « Solaris », « Contagion », « Paranoïa ») et son scénariste David Koepp (qui a notamment écrit « Jurassic Park ») ont pris le pari de tourner ce film uniquement sous le point de vue de cette présence. Le long-métrage est ainsi une succession de plans-séquences et de quelques plans fixes, ou bien conversationnels ou bien silencieux, (rappelant les « Paranormal Activities ») et qui ne reprennent que ce que voit la présence. « Presence » est de surcroît un huis-clos cantonné à cette grande maison investie par des êtres tourmentés et cette timide « âme » dont on ne sait pas grand-chose hormis qu’elle observe une famille se déliter.
Car la présence, bien qu’invisible et inaudible la plupart du temps, n’est pas qu’un simple témoin passif des drames qui se jouent chez les Payne et notamment autour de Chloe : le spectre, qui régulièrement se cache dans le placard de Chloe, essaye peu à peu d’intervenir, comme s’il se prenait d’affection pour cette famille, comme s’il avait pour mission de la protéger – et plus spécifiquement de protéger Chloe. Traversant avec nous le quatrième mur, la présence est ainsi un membre du public (qui voit à travers ses « yeux ») et un personnage à part entière.
Malgré peut-être une clef de thriller un peu simpliste et expéditive lorsqu’elle est révélée, la fin, brusque, est d’autant plus saisissante qu’elle clôt des tranches de vie partielles (parce que pertinemment elliptiques : l’on ne sait pas vraiment sur combien de temps s’étale l’histoire et si la présence est consciente ou non du passage du temps), mais suffisantes pour rendre tous les protagonistes et antagonistes attachants et profonds. La conclusion est ainsi terriblement dramatique, aussi parce qu’elle est abrupte, laissant en suspens de nombreuses interrogations et ouvrant à l’interprétation plusieurs symboliques autant familiales que spirituelles. « Presence » ne plaira par conséquent pas à tout le monde, mais reste pour notre part un film qui excelle de par son cadre restreint qui justement offre une panoplie de messages et de réflexions sur la vie comme sur la mort.
Axel Chevalier
Within the walls of a wealthy house lives a family that is slowly breaking down: there’s Rebecca, the mother, consumed by her work, who sees only her son Tyler, a top university athlete and quite pretentious; there’s Chris, the father, who despite his monstrous efforts to keep things together at home, sinks into depression; and there’s Chloe, a lonely, fragile teenager traumatized by the recent death of her best friend. And their move into this new home isn’t going to improve their situation. At least, that’s what a ghostly, silent presence living in the house seems to realize…
If this description sounds more dramatic than horrific, that’s because “Presence” is much more a family drama than a scary horror film. In fact, the Payne family’s presence is most often manifested by a few rare breaths or movements of objects; it’s barely noticeable. Chloe is in fact the only one capable of perceiving it, which leads to frequent quarrels with her brother and mother, who don’t believe her – unlike her father, who tries to support her.
But what is this presence? Is there only one, after all? While the conversations between the characters and their reactions (especially Chloe’s) suggest a clue, the question is never really resolved. This is also because director Steven Soderbergh (“Ocean’s Eleven”, “Solaris”, “Contagion”, “Paranoia”) and his screenwriter David Koepp (whose credits include “Jurassic Park”) took the gamble of shooting this film solely from the point of view of this presence. The film is thus a succession of long uncut shots and a few still shots, either conversational or silent (reminiscent of “Paranormal Activities”), which only show what the presence sees. What’s more, “Presence” is a closed-door setting, confined to a large house inhabited by tormented beings and a timid “soul” who we know little about, except that she’s watching a family fall apart.
Indeed, the presence, though invisible and inaudible most of the time, is not simply a passive witness to the dramas unfolding in the Payne household and around Chloe in particular. The specter, who regularly hides in Chloe’s closet, gradually tries to intervene, as if it were growing fond of this family, as if its mission were to protect it – and more specifically, to protect Chloe. Crossing the fourth wall with us, the presence is therefore both a member of the audience (seeing through its “eyes”) and a character in its own right.
Despite perhaps a rather simple and rushed thriller twist when it is revealed, the sudden ending is all the more gripping as it brings to a close partial pieces of life (because they are so elliptical: we don’t really know how long the story spans, and whether or not the presence is aware of the passage of time), but sufficient enough to make all the protagonists and antagonists endearing and meaningful. The conclusion is thus terribly dramatic, also because it is abrupt, leaving many questions unanswered and opening up to interpretation a number of symbols, both familial and spiritual. “Presence” therefore won’t appeal to everyone, but remains for us a film that shines in its restricted setting, which offers a wealth of messages and reflections on life and death.
Axel Chevalier