Madres Paralelas
(Parallel Mothers)
Coupe Volpi (interprétation féminine) – Venise
2021
FR EN
Après un autoportrait intime et sensible dans « Dolor y Gloria » que peut encore nous conter le cinéma de Pedro Almodóvar ? Dans cette septième collaboration entre Penelope Cruz et le réalisateur espagnol, on remarque une réelle évolution chez lui comme dans ses personnages. Si les statuts sociaux et les décors ont évolué, la réalisation du cinéaste de « La Piel que Habito » est toujours aussi intacte, précise et incisive.
Dans une chambre d’hôpital, deux mères, Janis et Ana sont sur le point d’accoucher. Célibataires elles sont toutes deux tombées enceinte par accident. Si Janis ne fait preuve d’aucun regret et accueille sa fille dans la joie, Ana quant à elle est une adolescente effrayée par l’arrivé de ce nouveau-né. Dans cet espace partagé entre la solitude et les douleurs d’une naissance, un lien étroit va se tisser entre les deux mères.
À travers cette puissance maternelle s’éclairent de manière sous-jacente les terreurs d’un passé enfoui. Petite fille de victime du fascisme, Janis est traversée tout au long du film par les mémoires d’un franquisme délaissé. Car le mal est ici dans l’oubli des horreurs de l’histoire. L’histoire de plus de 4000 fosses communes abandonnées où sont ensevelies encore aujourd’hui les victimes anonymes de la dictature franquiste. Comme le dit si justement le personnage de Janis, incarné avec tendresse et dignité par Pénélope Cruz, « La guerre ne sera terminée que lorsque toutes les victimes auront été retrouvées.». Se pose alors et tout au long du film le rapport que la vie entretient avec la mort.
À travers de poétiques destins croisés dont il a le secret, Pedro Almodóvar ancre ses personnages au sein d’une lutte mémorielle sous le prisme de la vie et de la transmission. Le destin de ses personnages s’inscrit ici au cœur d’un parallèle criant, celui de l’arrachement familial et de la mémoire comme force politique face aux noirceurs de l’oubli.
Sacha Garcia
{English below & Español al final}
After his sensitive and intimate portrait in “Pain and Glory” what else can Pedro Almodóvar’s cinema tell us? In this seventh collaboration between Penelope Cruz and the Spanish director, we notice a real evolution within him and his characters. If the social status and the settings have evolved, the director of “The skin I live in” is still intact, precise and incisive.
In a hospital room, two mothers, Janis and Ana are about to give birth. Both single, they became pregnant by accident. If Janis has no regrets and welcomes her daughter with joy, Ana is a teenager afraid of the arrival of this newborn. In this space shared between the solitude and the pain of a birth, a close bond will be woven between the two mothers.
Through this maternal power, the terrors of a buried past are illuminated in an underlying way. Granddaughter of a victim of fascism, Janis is crossed throughout the film by the memories of a neglected Francoism. For the evil here is in the forgetting of the horrors of history. The history of more than 4000 abandoned mass graves where the anonymous victims of the Franco dictatorship are still buried today. As the character of Janis, played with tenderness and dignity by Penelope Cruz, so rightly says, “The war will not be over until all the victims have been found”. Then, throughout the film, the relationship between life and death is raised.
Through poetic destinies crossed, Pedro Almodóvar anchors his characters in a memorial struggle under the prism of life and transmission. The destiny of his characters is at the heart of a striking parallel, that of family uprooting and of memory as a political force in the face of the darkness of oblivion.
Sacha Garcia
ESPAÑOL
Después de un autorretrato íntimo y sensible en « Dolor y Gloria », ¿qué más puede contarnos el cine de Pedro Almodóvar? En esta séptima colaboración entre Penélope Cruz y el director español, se percibe una auténtica evolución en él y en sus personajes. Aunque el estatus social y los escenarios han cambiado, la dirección del director de ‘La Piel que Habito’ sigue tan intacta, precisa e incisiva como siempre.
En un hospital, dos madres, Janis y Ana, están a punto de dar a luz. Ambas están solteras y se han quedado embarazadas por accidente. Janis no se arrepiente y acoge a su hija con alegría, mientras que Ana es una adolescente asustada por la llegada de este bebé. En este espacio dividido entre la soledad y el dolor del parto, se desarrolla un estrecho vínculo entre las dos madres.
A través de este poder maternal, los terrores de un pasado enterrado se iluminan de manera latente. Como nieta de una víctima del fascismo, Janis es atravesada a lo largo de la película por los recuerdos de un franquismo olvidado. Porque el mal aquí está en el olvido de los horrores de la historia. La historia de más de 4.000 fosas comunes abandonadas en las que siguen enterradas las víctimas anónimas de la dictadura franquista. Como bien dice el personaje de Janis, interpretado con ternura y dignidad por Penélope Cruz, « la guerra sólo terminará cuando se hayan encontrado todas las víctimas ». A lo largo de la película se plantea la relación entre la vida y la muerte.
A través del poético entrelazamiento de destinos que tanto domina, Pedro Almodóvar ancla a sus personajes en una lucha por la memoria a través del prisma de la vida y la transmisión. El destino de sus personajes está en el centro de un paralelismo sorprendente, el del desarraigo de la familia y de la memoria como fuerza política frente a la oscuridad del olvido.
Sacha Garcia