Diamant Brut
(Wild Diamond)
2024
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« Sale pute ! » C’est à peu près comme ça qu’un inconnu traite Liane dès les premières minutes du film, alors que l’héroïne se trouve dans un train. Et pourtant, malgré son apparence qui suscite de prime abord une certaine controverse contemporaine, la jeune femme se révèle fascinante, incandescente, adamantine.
En guise de premier long-métrage, la réalisatrice Agathe Riedinger revient sur l’un de ses thèmes de prédilection : le corps féminin et les regards que le monde lui porte. Reprise de son court-métrage « J’attends Jupiter » mais avec une intrigue qui se déroule un siècle plus tard, « Diamant brut » expose une idéale protagoniste imprégnée d’idéaux qui la subliment, avec et qu’importe ses souffrances.
Sous le soleil dissolvant d’une Fréjus que l’on ne voit que très peu, Liane rêve d’échapper à sa condition avilissante. Sur-maquillée et superficielle, elle est une influenceuse beauté en herbe qui n’hésite pas à voler puis revendre les produits qu’elle promeut et dont elle se sert pour se transformer. Elle est aussi candidate à une émission de télé-réalité qui, elle l’espère, la propulsera vers le luxe et la célébrité.
Mais Liane n’est pas non plus solitaire : elle a des amies – d’ailleurs très différentes d’elle – et une petite sœur qu’elle chérit plus que tout ; elle a une mère qu’elle déteste viscéralement ; elle est même accompagnée par une mission locale. De plus, aussi douce qu’elle peut sembler, elle a un caractère bien trempé. Et bien qu’elle s’hyper-sexualise éhontément, elle est encore vierge.
Tous ces contrastes font de « Diamant brut » un portrait résolument magnifique, d’une rare précision et d’une complexité attachante. Incarnée par une étincelante actrice non professionnelle dénommée Malou Khebizi, Liane est une femme aux regards francs et profonds. Même si presque tout autour d’elle hormis ses réseaux l’indiffère, elle ne laisse personne indifférent et se crée une image qu’elle entretient, à coups de sacrifices et de blessures.
Car Liane se veut devenir puissante et montrer qu’elle l’est. Elle écrase tout ce qui pourrait la gêner et elle s’écrase elle-même, en se façonnant le visage et le corps qu’elle essaye de rendre parfaits et en ignorant ses douleurs, ses craintes et ses démons. Croyante, elle prie Dieu pour transcender sa dure réalité et devenir un modèle absolu, quitte à oublier ses principes ou d’autres bonheurs comme ceux qu’elle partage avec Alicia, sa petite sœur (Ashley Romano) ou avec le tout aussi passionnant Dino (Idir Azougli) – qui est d’ailleurs l’un des seuls hommes de sa vie, avec son chirurgien esthétique.
Tourné au format 4/3 qui laisse une jolie part au hors-champ tout en se focalisant sur une Liane à aduler autant qu’à haïr – mais à regarder –, le film présente une lumière et des couleurs qui mettent en valeur son héroïne belle de par ses forces et faiblesses, telle une icône religieuse. La bande-son, souvent volontairement saturée et/ou alors emplie de silences, tranche aussi avec la contemplation qu’amène le violoncelle vibrant régulièrement. Les dialogues, enfin, sont constitués autant de punchlines que de phrases au poids extrême, à l’image de Liane, cette femme unique et aux multiples facettes qui, quand on la découvre un peu plus en détail, se montre encore plus scintillante. En somme, « Diamant brut » est un long-métrage qui porte merveilleusement son nom : une pépite que l’on ne se lassera pas de scruter.
Axel Chevalier
“You whore!” That’s pretty much how a stranger calls Liane in the very first minutes of the film, as the heroine finds herself on a train. And yet, despite her appearance, which at first glance raises a certain contemporary eyebrow, the young woman turns out to be fascinating, blazing, glowing.
In her first feature film, director Agathe Riedinger revisits one of her key themes: the female body and the way the world looks at it. “Wild Diamond” is a retelling of her short film “J’attends Jupiter”, but with a plot set a century later, and portrays an ideal protagonist imbued with ideals that sublimate her, with and regardless of her suffering.
Beneath the melting sun of rarely-seen Fréjus, Liane dreams of escaping her demeaning condition. Overdressed and superficial, she’s a budding beauty influencer who doesn’t hesitate to steal and then resell the products she promotes and uses to change herself. She’s also a contestant on a reality TV show that she hopes will propel her to luxury and stardom.
But Liane isn’t a loner either: she has friends – who are very different from her by the way – and a little sister whom she cherishes more than anything else; she has a mother whom she hates viscerally; she’s even supported by a local organization. What’s more, as sweet as she may seem, she has a strong temper. And although she shamelessly hyper-sexualizes herself, she’s still a virgin.
All these contrasts make “Wild Diamond” a truly magnificent portrait of rare precision and endearing complexity. Played by a dazzling non-professional actress by the name of Malou Khebizi, Liane is a woman of deep, honest eyes. Although she’s indifferent to almost everything around her apart from her social networks, she leaves no one indifferent and creates an image for herself that she maintains through sacrifice and injury.
After all, Liane wants to become powerful and show that she really is. She crushes everything that might stand in her way, and crushes herself, shaping the face and body she tries to make perfect and ignoring her pains, fears and demons. She’s a believer who prays to God to transcend her harsh reality and become an absolute model, even if it means forgetting her principles or other pleasures such as those she shares with her little sister Alicia (Ashley Romano) or the equally passionate Dino (Idir Azougli) – who, along with her plastic surgeon, is one of the only men in her life.
Shot in 4:3 aspect ratio, which leaves a good deal of off-screen space while focusing on a Liane to be adored as much as hated – but to be stared at – the film’s lighting and colors highlight its beautiful heroine’s strengths and weaknesses, like a religious icon. The score, often deliberately saturated and/or filled with silences, also contrasts with the contemplation provided by the regularly vibrating cello. Finally, the dialogues are as much punchlines as extremely heavy sentences, just like Liane, this unique, multi-faceted woman who, when we discover her in a little more depth, shows herself to be even more radiant. All in all, “Wild Diamond” is a feature that lives up to its name: a real gem we won’t get tired of watching.
Axel Chevalier