Anora
Palme d’Or – Cannes
Best Picture – Oscars
Best Director & Best Actress – Oscars
Best Original Screenplay & Editing – Oscars
Outstanding Theatrical Motion Picture – PGA & DGA
Best Original Screenplay – WGA
Best Lead Actress & Best Casting – BAFTA
Best International Independent Film – BIFA & Spirit
Best Director & Best Lead Performance – Spirit
2024
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Quelle singulière Palme d’Or pour un singulier palmarès cannois ! « Anora » défraye la chronique, tant pour ses thématiques que pour ses registres, et c’est un joli rafraîchissement – au sens figuré comme au sens propre. Sean Baker nous emmène dans le monde des travailleuses du sexe avec Anora, dite Ani, une sulfureuse escort-girl new-yorkaise, dont l’existence est perturbée par un client, richissime fils d’oligarques russes, prénommé Ivan. Lorsque ce dernier veut, sérieusement, faire d’Ani sa femme, celle-ci accède un temps au paradis, jusqu’à ce que les parents de Vanya apprennent cette folie…
Avec une intrigue et une bande-annonce pareilles, l’on s’attendait à une pure comédie ; mais si le long-métrage ne nous déçoit pas sur ce plan, il va en réalité bien plus loin. « Anora » peut en effet se diviser en trois parties d’un même continuum émotionnel. La première, colorée et festive, tournée à la façon d’un long et palpitant clip, reprend les codes et les clichés d’une romance entre deux êtres que tout sépare. La seconde, où les bras cassés qui font office de sbires des parents d’Ivan débarquent pour annuler son mariage avec Ani, est d’un comique hyperbolique et ne manquera pas de vous faire rire, au vu de la perpétuelle exagération des actions et réactions de tous les personnages. La troisième, enfin, est celle d’une lente désillusion, où le drame et la réalité l’emportent sur l’absurde de la situation.
« Anora » a ainsi cette magique facilité à changer de registre avec une fluidité étonnante. Même le rythme du film, d’abord saccadé et elliptique, reprend finalement une temporalité réelle, sans musique. Et chaque personnage suit sa propre trajectoire à la croisée des mondes – la diaspora russe, l’oligarchie de la mère-patrie et les réseaux qui les (dé)connectent. Énergique puis désenchantée, la Cendrillon moderne qu’incarne Mikey Madison montre une femme forte et désabusée, décontenancée face à un Vanya (Mark Eydelshteyn) frivole et puéril, et méfiante et violente à l’égard de la brute pourtant attentionnée qu’est Igor (Youri Borissov). Versatile, « Anora » surprend donc autant qu’il dénote. Impressionnant, comme dirait Igor.
What a singular Palme d’Or for a singular Cannes festival! “Anora” is a real head-turner, both for its themes and its registers, and it’s a nice refresher – figuratively and literally. Sean Baker takes us into the world of sex workers with Anora, known as Ani, a sultry New York escort whose life is disrupted by a client named Ivan, the wealthy son of Russian oligarchs. When Ivan is determined to make Ani his wife, she briefly enjoys paradise, until Vanya’s parents learn of this folly…
With a plot and trailer like this, we were expecting a pure comedy; but while the film certainly delivers in that respect, it actually goes much beyond that. “Anora” can be divided into three parts on the same emotional spectrum. The first, colorful and lively, shot like a long, thrilling music video, uses the codes and stereotypes of a romance between two people worlds apart. The second, in which Ivan’s parents’ goons arrive to annul his marriage to Ani, is hyperbolically funny and sure to make you laugh, given the perpetual exaggeration of all the characters’ actions and reactions. The third, finally, is the slow disillusionment, where drama and reality prevail over the absurdity of the situation.
“Anora” has that magical capacity to change gears with astonishing smoothness. Even the film’s pace, at first jerky and elliptical, finally adopts a real time perspective, devoid of music. And each character follows his or her own path at the crossroads of worlds – the Russian diaspora, the oligarchy of the motherland and the networks that (dis)connect them. Energetic, then disenchanted, Mikey Madison’s modern Cinderella shows a strong, disillusioned woman, disconcerted by a frivolous, childish Vanya (Mark Eydelshteyn), and distrustful and violent towards the thoughtful beast that is Igor (Yuri Borissov). Anora” is therefore as versatile as it is surprising. As Igor would say, it’s impressive.