L’histoire de Souleymane
(Souleymane’s Story)
Prix du Jury – Cannes (Un Certain Regard)
Meilleur Acteur – Cannes (Un Certain Regard)
Meilleur Scénario Original – Césars
Meilleure Révélation Masculine – Césars
Meilleure Actrice dans un second rôle – Césars
Meilleur Montage – Césars
2024
FR EN
« Je ne sais pas pourquoi je suis venu en France. » C’est ce qu’avoue, un soir, à demi-mot, Souleymane, à l’un de ses compagnons d’exil. Pourtant, dans deux jours, il doit se présenter à l’OFPRA, dans le cadre de sa demande d’asile. Et pour obtenir le statut officiel de réfugié, il doit y raconter son histoire. Multi-primé à Cannes (notamment dans la section « Un certain regard »), le long-métrage réalisé par Boris Lojkine nous plonge dans les tréfonds de la nuit parisienne, où nombreux sont les gens qui triment pour survivre.
« L’histoire de Souleymane », c’est celle d’un Guinéen épuisé qui galère tous les jours. Incarné par Abou Sangare – comédien non professionnel, sans papiers, récompensé pour son interprétation –, Souleymane est un jeune homme de l’ombre, solitaire. « Sous ce calme, il y a quelque chose qui bouillonne », explique Boris Lojkine, en parlant de l’acteur, mais aussi peut-être du héros de son film – parce que ce dernier est en partie inspiré de la vie d’Abou. Souleymane pédale sans relâche dans les rues de Paris, à livrer des repas çà et là sans reconnaissance, et il vivote à peine. Alors lorsque le stress de l’échéance de l’OFPRA lui monte progressivement, sa tête ne tient qu’à un fil…
Bien que le héros ait constamment des écouteurs aux oreilles, le film n’a aucune musique ; juste le brouhaha urbain, ponctué par moments de silences assourdissants. Multilingues, les dialogues en français, en peul, en malinké ou encore en dioula sont d’une authenticité brute. Avec un format spécifique, pas tout à fait carré, la caméra se focalise quasi exclusivement sur Souleymane, sur son visage empreint de tension et d’inquiétude, sur ses vêtements bleus se fondant dans l’obscurité indigo. Tout dans le film tente de nous faire pénétrer dans l’esprit de son héros qui résiste à ses émotions. Alors quand Souleymane vacille, nous vacillons aussi. Face à des parrains qui le trahissent, face à des policiers qui l’intimident, face à une femme d’une froideur glaçante (jouée par Nina Meurisse), nous venons à douter de l’humanité de notre monde qui paraît en suspens, comme le sort du héros. Et cela peut nous laisser sans voix.
“I don’t know why I came to France. That’s what Souleymane half-heartedly admits to one of his fellow exiles one evening. However, in two days’ time, he has to report to the French Refugee Office (OFPRA) as part of his application for asylum. And to get official refugee status, he has to tell his story. Boris Lojkine’s feature film, which won multiple awards at Cannes (particularly in the “Un certain regard” competition), takes us deep into the Parisian nightlife, where countless people struggle to make a living.
“Souleymane’s story” is the story of an exhausted Guinean who struggles every day. Played by Abou Sangare – a non-professional, undocumented actor who won an award for his performance – Souleymane is a solitary, shadowy young man. “Underneath this calm, there’s something bubbling,” explains Boris Lojkine, referring to the actor, but also perhaps to the hero of his film – because the latter is partially inspired by Abou’s life. Souleymane rides his bike relentlessly through the streets of Paris, delivering meals here and there without any gratitude, and he’s barely scraping by. So, when the stress of the OFPRA deadline gradually creeps up on him, his mind is hanging by a thread…
Although the hero is constantly wired to his headphones, the film has no music at all, just the urban hubbub, at times broken by deafening silences. Multilingual, the dialogues in French, Peul, Malinké and Dioula are utterly authentic. With a specific, not quite square aspect ratio, the camera focuses almost exclusively on Souleymane, on his face imbued with tension and anxiety, on his blue clothes blending into the indigo darkness. Everything in the film strives to draw us into the mind of its hero, who resists his emotions. So, when Souleymane falters, so do we. Faced with sponsors who betray him, police officers who intimidate him, and a chillingly cold woman (played by Nina Meurisse), we come to doubt the humanity of our world, which seems to hang in the balance, like the hero’s fate. And that, can leave us speechless.