Langue étrangère
2024
FR EN
L’une rêve qu’on lui mente, l’autre ment sur ses rêves, les deux vivent de mensonges et de rêves. Formulation quelque peu suffisante qui ne peut toutefois résumer en si peu de mots toute la richesse du troisième long-métrage de Claire Burger : « Langue étrangère ». Dans le cadre d’un échange scolaire entre Leipzig et Strasbourg, la Française Fanny se rend au domicile de l’Allemande Lena, d’abord au grand dam de cette dernière. Mais de cette rencontre forcée va naître une relation belle de par ses paradoxes et (im)puretés.
Splendidement incarnées par deux actrices prodigieuses, Fanny (Lilith Grasmug) et Lena (Josefa Heinsius) forment une allégorie du couple franco-allemand, plein d’ambiguïtés, de points communs et de différences, même dans son appellation – car outre-Rhin, l’on parle plutôt “d’amitié franco-allemande”. Si le rapport entre les deux jeunes femmes semble initialement diverger sur bien des aspects, des liens de plus en plus intimes se tissent entre elles, jusqu’à devenir fusionnelles, les frontières s’effaçant peu à peu.
Parce que Fanny comme Lena ont des problèmes familiaux (typiques ou non de l’adolescence), se démarquent des positions politiques de leurs parents, se posent des questions quant à leur avenir. Elles deux sont le reflet d’une jeunesse contemporaine en proie à des angoisses globales comme personnelles – du changement climatique à leur conception du désir – et elles se confient l’une à l’autre, malgré l’asymétrie originelle et latente de leurs liens.
Bilingue (voire polyglotte si l’on ajoute les quelques phrases en anglais et en italien), « Langue étrangère » constitue, outre une prouesse linguistique et scénaristique, un film à l’esthétique raffinée. Les couleurs y sont douces – quelquefois douces-amères ; certains plans sont photographiques, dignes de multiples arrêts sur images ; et nombreuses sont les scènes (même les moins joyeuses) où l’onirisme visuel comme sonore flirte avec la beauté, le sublime, l’extase. À travers l’histoire d’une amitié qui est bien plus que ce simple mot, ce long-métrage adoucit, rassérène et raconte bien plus que ce qu’il ne dit.
One dreams of being lied to, the other lies about her dreams, both live on lies and dreams. This slightly smug description cannot, however, encapsulate in so few words all the depth and substance of Claire Burger’s third feature film, “Langue étrangère” (literally ‘Foreign Language’ or ‘Foreign Tongue’). As part of a school exchange program between Leipzig and Strasbourg, French girl Fanny visits German girl Lena’s home, initially to the latter’s great displeasure. But this forced encounter gives rise to a relationship that is beautiful for its paradoxes and (im)purities.
Beautifully embodied by two wonderful actresses, Fanny (Lilith Grasmug) and Lena (Josefa Heinsius) make up an allegory of the Franco-German pair, full of ambiguities, similarities and differences, even in its name – for across the Rhine, the term used is ‘Franco-German friendship’ while in France we say the ‘French-German Couple’. Although the relationship between the two young women initially seems to clash in many respects, increasingly intimate bonds are forged between them, until they become closer and closer, with borders gradually disappearing.
Because both Fanny and Lena have family problems (which may or may not be typical of adolescence), distance themselves from their parents’ political positions, and wonder about their future. They both reflect a contemporary youth struggling with both global and personal anxieties – from climate change to their ideas of desire – and they open up to each other, despite the original and latent imbalance in their bonds.
“Langue étrangère” is a bilingual (even polyglot, if we add a few lines in English and Italian) movie, and not only a linguistic and screenplay achievement, but also a film with a sophisticated aesthetic. The colors are sweet – sometimes bittersweet; some shots are cinematic, worthy of multiple stills; and there are many scenes (even the less cheerful ones) where visual and sound dreaminess collide with beauty, sublimity and ecstasy. Through the story of a friendship that is much more than just a word, this feature film softens, reassures and conveys much more than it lets on.