Les Fantômes
(Ghost Trail)
2024
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Entre Strasbourg, l’Allemagne et le Liban, un réfugié syrien qui a fui la répression et la guerre civile tente de se reconstruire tout en étant à la recherche méticuleuse et obsessionnelle de l’un de ses tortionnaires. Hamid est un rescapé de la prison de Saïdnaya, connue pour être un véritable mouroir où la souffrance et la torture ont atteint des niveaux inimaginables. Il cherche un certain Harfaz, responsable en grande partie des horreurs de ce lieu. Telle est l’histoire des « Fantômes », mais que l’on ne s’y trompe pas : bien qu’inspiré de faits malheureusement bien réels, le film reste une fiction – particulièrement troublante.
Incarné par Adam Bessa, le personnage de Hamid vit dans la solitude la plus totale, en proie à ses traumatismes, à ses cauchemars et à ses angoisses, loin de son pays, loin de sa mère, loin de son monde. Il ne peut faire confiance à personne, pas même aux membres de la diaspora qui parfois sont encore de mèche avec le régime de Bachar al-Assad ou avec des cellules terroristes. Avec un nombre très restreint d’individus anonymes, il trouve néanmoins la force de poursuivre une enquête des plus périlleuses : celle d’identifier et de faire arrêter l’un de ses bourreaux, réfugié lui aussi en Europe sous une autre identité.
Thriller sensoriel, « Les Fantômes » nous opprime par un travail du son qui nous assourdit : de simples froissements de pages qui se tournent, de longs crissements d’un tramway qui s’arrête le long d’un quai, de répétitifs clinquements de couverts dans un restaurant, parviennent à nous rendre mal à l’aise et à nous fondre dans les pensées traumatiques de Hamid. Lui dont les idées bourdonnent en même temps qu’il écoute attentivement la voix voire sent l’odeur des personnes qu’il croise ou veut cerner. Avec ce méandre de sensations et de sentiments qu’exsudent Hamid et son environnement, le film nous étouffe. L’apogée de ce malaise est certainement la scène-pivot de la rencontre entre Hamid et un personnage-clef, où la tension est à son paroxysme.
L’on en viendrait presque à oublier que « Les Fantômes » reste terriblement inspiré de faits réels. Hamid est en effet membre de la cellule ultra-secrète Yaqaza (« Le Réveil »), composée de moins d’une dizaine de discrets et héroïques ressortissants syriens souhaitant rendre justice à leur peuple au-delà des frontières, et qui a notamment œuvré à l’arrestation en 2019 en Allemagne de Kaïs A., de son vrai nom Abou Hamza, dit « Le Chimiste », criminel de guerre dont rien que le surnom glace le sang… Le long-métrage, saisissant, rend ainsi hommage à ces gens de l’ombre qui, malgré les dangers et les traumatismes, continuent de lutter contre l’impunité et pour la liberté.
Between Strasbourg, Germany and Lebanon, a Syrian refugee who fled repression and civil war tries to rebuild his life while on a meticulous and obsessive search for one of his captors. Hamid is a survivor of Saïdnaya prison, known as a real hellhole where suffering and torture reached unimaginable levels. He is looking for a certain Harfaz, who is largely responsible for the horrors of this place. Such is the story of “Ghost Trail”, but make no mistake about it: although inspired by sadly real events, the film remains a piece of fiction – and a particularly disturbing one at that.
Played by Adam Bessa, Hamid’s character lives in total solitude, prey to his traumas, nightmares and anxieties, far from his country, far from his mother, far from his world. He can trust no one, not even members of the diaspora, who may still be in league with the Bashar al-Assad regime or terrorist cells. With a very limited number of anonymous individuals, he nevertheless finds the strength to pursue a most perilous investigation: identifying and arresting one of his tormentors, who has also taken refuge in Europe under a different identity.
“Ghost Trail” is a sensory thriller, oppressing us with its deafening sound design: the simple rustling of pages as they turn, the long screeching of a streetcar as it pulls up alongside a platform, the repetitive clinking of cutlery in a restaurant, all succeed in making us feel uneasy and melting us into Hamid’s traumatic thoughts. His thoughts buzz as he listens attentively to the voices and even smells the people he meets or wants to get to know. The meandering sensations and feelings exuded by Hamid and his environment simply suffocate us. The climax of this unease is certainly the pivotal scene of Hamid’s meeting with a key character, where the tension is at its height.
It’s almost easy to forget that “Ghost Trail” is inspired by real events. Hamid is indeed a member of the ultra-secret Yaqaza (« The Awakening ») cell, made up of less than a dozen low-profile, heroic Syrian nationals seeking to bring justice to their people beyond the borders, and who, among other things, worked towards the arrest in Germany in 2019 of Kaïs A., whose real name is Abou Hamza, known as « The Chemist », a war criminal whose nickname alone is chilling… This gripping feature film pays tribute to these people in the shadows who, despite the dangers and traumas, continue to fight against impunity and for freedom.