Rsg Production

Le Règne Animal

 
(The Animal Kingdom)
 
Meilleure Photographie – Césars
Meilleure Musique Originale – Césars
Meilleurs Effets Visuels – Césars
Meilleurs Costumes – Césars
Meilleur Son – Césars

2023

FR                   EN

 

Qui parmi nous n’a-t-il pas déjà rêvé de se métamorphoser en un animal, en un autre être, à la fois brut et sublimé ? C’est ce qui se produit pour nombre d’humains dans un monde proche du nôtre où déferle une vague de mutations inexpliquées et incontrôlables. C’est aussi ce qui arrive à une femme qui disparaît mystérieusement et dont le mari, François, et le fils, Émile, partent à la recherche dans les forêts du Sud-Ouest. Une quête qui les changera à jamais.

Associant merveilleux, surnaturel et un certain réalisme social, « Le Règne animal » est un touchant long-métrage peuplé de créatures troublantes, parfois effrayantes, mais aussi et surtout magnifiques. Le méticuleux et juste travail des corps et effets spéciaux nous transporte au-delà de nos fantasmes sans les exagérer ; les scènes réunissant les personnages humains comme non humains promettent ainsi autant de symbioses idéales que de chaos nés de la crainte de l’altérité. Confrontons par exemple l’amitié naissante entre Émile et Fix l’Homme-Oiseau à cette cauchemardesque poursuite d’échassiers au beau milieu des champs de maïs.

D’une beauté époustouflante, le film de Thomas Cailley (Les Combattants) interroge notre capacité de tolérance face aux changements et bouleversements de tous ordres, de l’apparition de nouvelles épidémies à nos évolutions corporelles à tout âge (notamment durant l’adolescence), en passant par les questions sous-jacentes de mixité sociale et d’intégration. Les « bêtes », les créatures, les cryptides forment alors des projections de nos peurs, envies, besoins et instincts primaires qui pourtant peuvent se révéler bien plus purs que ce qu’enfante l’engeance humaine obnubilée par son désir de contrôle. Dans cet univers incertain et en plein basculement, le duo François/Émile incarne avec prouesse ce tiraillement qu’est la volonté de garder une certaine stabilité tout en s’accordant de nouvelles libertés qui s’offrent à nous ; Romain Duris comme Paul Kircher se montrent ici magistraux.

En revanche et paradoxalement, « Le Règne animal » nous envoûte tant qu’il nous frustre a posteriori de par ses quelques légères lacunes scénaristiques – autour des personnages moins que secondaires (et proposant pourtant des sous-enjeux très intéressants), des questions philosophiques et sociétales finalement assez peu creusées, et surtout du sort réservé à Émile et François à la fin du long-métrage, libre d’interprétation. Mais peut-être ce sentiment d’incomplétude rehausse-t-il la fascination que génère l’histoire, auquel cas le film a d’autant plus réussi son pari : celui de moderniser le mythe de la métamorphose sans le réduire à un récit qui n’aurait qu’une seule morale ou qu’un seul sens.

Axel Chevalier
 

Who among us hasn’t already dreamed of metamorphosing into an animal, into another being, both raw and sublime? This is what happens to many humans in a world close to our own, where a wave of unexplained, uncontrollable mutations is sweeping through the air. It’s also what happens to a woman who mysteriously disappears, and whose husband, François, and son, Émile, set out to find her in the forests of the French South-West. A quest that will change them forever.

Combining the marvelous, the supernatural and a certain social realism, “The Animal Kingdom” is a moving feature film filled with disturbing, sometimes frightening, but above all magnificent creatures. The meticulous attention to detail in bodies and special effects takes us beyond our fantasies without exaggerating them; the scenes bringing together human and non-human characters promise ideal symbioses as much as the chaos born of fear of otherness. The budding friendship between Émile and Fix the Birdman, for example, is set against a nightmarish wader chase in the middle of a cornfield.

Breathtakingly beautiful, the film directed by Thomas Cailley (Love at first sight) explores our capacity for tolerance in the face of changes and upheavals of all kinds, from the appearance of new epidemics to our bodily evolutions at any age (particularly during adolescence), not to mention the underlying issues of social mixing and integration. The « beasts », creatures and cryptids are projections of our fears, desires, needs and primal instincts, which may turn out to be much purer than what the human race, obsessed by its desire for control, produces. In this uncertain, shifting world, the duo François/Émile brilliantly embody the tug-of-war of maintaining a certain stability while allowing themselves new freedoms; Romain Duris and Paul Kircher are both brilliant.

However, paradoxically, “The Animal Kingdom” mesmerizes us so much that it frustrates us a posteriori with its slight plot holes – around characters who are less than secondary (and yet offer very interesting sub-plots), philosophical and societal questions that are ultimately rather underdeveloped, and above all the fate given to Émile and François at the end of the film, which is left open to interpretation. But perhaps this feeling of incompleteness enhances the fascinating nature of the story, in which case the film has succeeded all the more: in modernizing the myth of metamorphosis without reducing it to a story with a single moral or meaning.

Axel Chevalier