Rsg Production

En attendant la nuit

 
(For Night Will Come)
 
Prix du Jury – Gérardmer

2024

FR                   EN

 

Quelque part dans les montagnes, une famille unie mais mystérieusement marginale cherche à se faire la plus discrète possible. Philémon, Lucie et leurs parents veulent prendre un nouveau départ, sans faire de vagues, jusqu’à ce que leur drame commun les rattrape… Récompensé du Prix du Jury lors du dernier Festival international du film fantastique de Gérardmer, « En attendant la nuit » est le premier long-métrage de Céline Rouzet, et la carrière de cette dernière s’annonce prometteuse !

Qualifiable de réaliste-fantastique, le film n’a de fait aucun effet spécial visible, mais aborde d’une façon plus subtile et plus suggestive des questions relevant habituellement de l’horreur. Les lieux et leur composition, pourtant plutôt ordinaires, prennent par exemple beaucoup plus de poids : la banlieue pavillonnaire et semi-forestière de Devecey se dote ainsi d’une aura merveilleuse, à la limite entre le beau et l’inquiétant, tandis qu’un simple gymnase où sont organisés régulièrement des dons du sang devient un lieu de tension. Sans oublier l’imposant Pont de l’Abîme qui accroît la solennité de la scène finale.

Quant au travail sur le son, la musique (signée Jean-Benoît Dunckel) et la photographie, celui-ci instaure une atmosphère à la fois fabuleuse et mélancolique, à l’image du personnage principal de Philémon. Ce dernier, interprété remarquablement par Mathias Legoût Hammond, se tapit autant dans l’ombre de son environnement que dans celle de sa famille et de son chagrin ; il n’est qu’une pâle forme au milieu des reflets ternes – quoique parfois plus colorés – de son monde. Facette plus émotionnelle de la figure du monstre, le personnage de Philémon revêt tout le malheur personnel qu’engendre le fait de se sentir différent.

Qu’importe par ailleurs la puissance de l’amour dont il s’abreuve, Philémon ne parvient plus à se défaire du dégoût de sa propre personne. Accompagné pourtant de personnages attachants – de la mère dévouée (Élodie Bouchez) à la copine compréhensive (Céleste Brunnquell) en passant par la sœur en or (Laly Mercier) – le jeune homme, lentement, raccroche. Définitivement dramatique, « En attendant la nuit » finit par nous accabler entièrement avec un sentiment d’incompréhension instillé par son tout dernier plan. L’on en vient même à oublier en quoi Philémon est monstrueux ; et ceci est le signe d’un premier film réussi.

Axel Chevalier
 

Somewhere in the mountains, a close-knit but mysteriously outcast family tries to keep a low profile. Philémon, Lucie and their parents want to make a fresh start, without fuss, until their shared drama catches up with them… Winner of the Jury Prize at the Gérardmer International Fantasy Film Festival, “For Night Will Come” is Céline Rouzet’s first feature film, and shows a promising career ahead!

What could be described as realistic-fantasy, the film features no overt special effects, but takes a more subtle and suggestive approach to issues usually handled by the horror genre. The rather ordinary locations and their composition, for example, take on much greater weight: the suburban, semi-forested suburb of Devecey takes on a marvellous presence, on the edge between the beautiful and the disturbing, while a simple sports hall where blood donations are regularly held becomes a place of tension. Not forgetting the towering Bridge of the Abyss, which heightens the solemnity of the closing scene.

The sound design, the score (by Jean-Benoît Dunckel) and the cinematography set a fabulous yet melancholy mood, just like the main character Philémon. The latter, brilliantly played by Mathias Legoût Hammond, lurks as much in the shadows of his environment as he does in those of his family and his grief; he is but a pale form amid the dull – if occasionally more colorful – reflections of his world. Philemon, a more emotional facet of the monster figure, takes on all the personal unhappiness that comes with feeling different.

No matter the power of the love he consumes, Philémon can’t shake off his self-loathing. Even surrounded by endearing characters – from his devoted mother (Élodie Bouchez) to his understanding girlfriend (Céleste Brunnquell) and wonderful sister (Laly Mercier) – the young man slowly looses his grip on life. Definitely dramatic, “For Night Will Come” ends up overwhelming us with a feeling of incomprehension instilled by its very last shot. It’s easy to forget why Philemon is so monstrous, and that’s the sign of a truly outstanding first film.

Axel Chevalier
Les Trois Fantastiques
Le Règne Animal