Dissidente
Richelieu (Temporaries)
Meilleure actrice (premier rôle) – Iris
Meilleur acteur (rôle de soutien) – Iris
Révélation de l’année – Iris
2023/2024
FR EN
Une femme de dos, dans un car, dans la nuit. Autour d’elle des hommes aux visages fermés. Alors qu’ils arrivent à leur destination, elle leur traduit du français à l’espagnol qu’ils sont arrivés à l’usine et vont devoir directement signer leur contrat avant de s’installer … C’est ainsi que s’ouvre ce film social québécois, véritable démonstration sur la gestion et l’exploitation de la main-d’œuvre étrangère au Canada. Le pays a en effet conclu une entente diplomatique permettant par exemple aux Philippines de fournir les aides ménagères et les nourrices aux grandes métropoles alors que le Mexique et le Guatemala offrent quant à eux des bras pour travailler dans l’agro-alimentaire.
Cette femme, cette traductrice, ce maillon indispensable entre les travailleurs et la direction devient alors nos yeux, c’est à travers son point de vue que l’histoire est racontée : un point de vue – comme le nôtre – extérieur à cette lutte des classes renouvelée dans la Vallée-du-Richelieu (garde-manger du pays). Car c’est bien de cela qu’il s’agit alors qu’elle fait son travail comme les autres en essayant d’y glisser un peu d’humanité et d’humour quand les travailleurs étrangers subissent de plein fouet la violence et l’absurdité d’un système broyeur qui pousse au ‘Oui’ à tout au nom de la promesse d’un quotidien meilleur.
Il y a du Ken Loach ou du Stéphane Brizé dans le traitement réaliste et poignant de cette fresque sociale. C’est une démonstration implacable des rapports de force d’une économie de marché qui pervertit les rapports humains à toutes les échelles pour sombrer dans une terreur managériale et la pure exploitation pour faire baisser les prix d’une distribution la plus large et efficace possible. L’ONU a d’ailleurs épinglé ce programme d’immigration canadien, le qualifiant de “terreau fertile pour l’esclavage moderne” …
Le scénariste et réalisateur Pier-Philippe Chevigny réussit un magnifique drame social pour son premier long-métrage tout en maîtrise. Porté par une excellente Ariane Castellanos aux côtés notamment de Marc-André Grondin et Nelson Coronado, son film nous embarque du début à la fin grâce à sa courte durée (1h30 top chrono), sa caméra portée, et ses plans-séquences qui renforcent l’immersion aux côtés des personnages. La longue focale, le format resserré (1 :37), l’absence de plan d’ensemble, et la palette sombre de sa photographie sont à l’image de ce cinéma réaliste au plus près des personnages et de leurs préoccupations, amplifiant le sentiment d’angoisse dû au manque d’horizon de ces ouvriers. Cette mise en scène oppressante crée avec le rythme du film, une tension palpable jusqu’au dernier plan bouclant la boucle d’un récit puissant et percutant.
A woman’s back, on a bus, in the night. Around her, men with closed faces. As they arrive at their destination, she translates from French to Spanish that they have reached the factory and will have to sign their contract directly before settling in… This is how opens this Quebec social film, a true testament to the management and exploitation of foreign labor in Canada. The country has in fact struck a diplomatic agreement enabling, for example, the Philippines to supply housekeepers and nannies to the major cities, while Mexico and Guatemala provide manpower to work in the food industry.
This woman, this translator, this vital link between workers and management, becomes our eyes, and it’s through her point of view that the story unfolds: a point of view – like our own – that’s outside this revived class struggle in the Richelieu Valley (the country’s larder). And that’s precisely what it’s all about, as she does her job like everyone else, trying to slip in a little humanity and humor when foreign workers bear the full brunt of the violence and absurdity of a crushing system that forces a ‘Yes’ to everything in the name of the promise of a better day.
This social tale offers a realistic and gripping approach reminiscent of Ken Loach or Stéphane Brizé. This is a relentless depiction of the power struggles of a market economy that perverts human relationships at every level, sinking into managerial terror and sheer exploitation to drive down prices for the widest, most cost-effective distribution possible. The UN has even decried this Canadian immigration program, calling it “fertile ground for modern slavery” …
Writer-director Pier-Philippe Chevigny delivers a brilliant social drama for his feature debut. Starring an excellent Ariane Castellanos alongside Marc-André Grondin and Nelson Coronado, his film captures us from start to finish, thanks to its short runtime (1:30 a.m. tops), tight camerawork and long takes that strengthen our immersion alongside the characters. The long focal length, tight aspect ratio (1:37), lack of wide shots, and dark color palette of the cinematography mirror this realistic approach to cinema, bringing us closer to the characters and their preoccupations, thus amplifying the sense of anguish caused by the workers’ lack of perspective. Together with the film’s pace, this oppressive staging creates a constant tension right up to the final shot, bringing this powerful, hard-hitting story full circle.