Rsg Production

66-5

 
[TV]
Saison/Season 1

2023

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Après l’excellente première saison de « BRI » qui reprenait les codes de la série policière dans une approche très réaliste, la chaîne Canal+ revient cet automne avec une nouvelle série française renouvelant cette fois le genre judiciaire. Derrière ce titre énigmatique pour qui n’a pas fait de droit (référence à l’article disposant du secret professionnel de l’avocat), se cache un récit juridique à la fois palpitant et réaliste créé par Anne Landois, scénariste des saisons 3 à 6 de la célèbre série « Engrenages » (également diffusée par Canal+). « 66-5 » met en scène le parcours de Roxane, une jeune avocate d’affaires d’un prestigieux cabinet parisien qui demande à faire ses preuves et voit son quotidien bousculé par l’accusation de viol d’une stagiaire contre son mari et confrère avocat. Sa vie bascule alors de l’autre côté du périph où elle prend de nouvelles habitudes qui la rapprochent de sa mère, de sa sœur, de son amie d’enfance … de son passé. La série repose donc sur ce passage du périph tel un déplacement dans l’espace doublé d’un voyage dans le temps avec une protagoniste de retour dans la cité où elle a grandi. Ce trajet géographique est donc aussi social et intime et recoupe la carrière de sa scénariste.

Cette série judiciaire prend ainsi inévitablement ses racines dans l’univers de « Engrenages » mais prend également une direction différente avec une jeune héroïne pleine de doutes encore loin de la femme fatale d’Audrey Fleurot, et un théâtre bien différent où la banlieue est désormais le centre de l’intrigue renvoyant Paris en périphérie du scénario. Anne Landois a clairement voulu mettre en lumière cette banlieue, par opposition aux côtés plus sombres de la série « Engrenages », pour la montrer comme un lieu non seulement habitable, respirable, très vivant mais également plein d’enjeux à conquérir. Et cela se voit dans la photographie dont les focales poudrées inondent l’image d’une lumière cramée, et dans les décors percés de lumière tel que le tribunal de Bobigny et son architecture dont les verrières laissent entrer le soleil.

L’héroïne illustre le fossé entre deux mondes et le difficile passage de l’un à l’autre. Lorsqu’elle est à Paris, Roxane est en représentation, très habillée, maquillée, et avec des bijoux ostentatoires, puis peu à peu, elle enlève tout. Symbole d’une transfuge de classe, c’est une battante qu’Alice Isaaz (La crème de la crème ; Play ; Couleurs de l’incendie) interprète brillamment, aussi convaincante dans ses relations de ‘caillera’ qu’au cours d’une plaidoirie. Si elle porte clairement la série, elle est accompagnée par de nombreux seconds rôles très réussis dont on découvre aussi bien la complexité que l’humanité.

« 66-5 » n’échappe pas à tous les clichés, mais elle les contourne intelligemment et – sans être révolutionnaire – pose un regard neuf sur cet univers. L’exercice du droit y est bousculé par les destins individuels des personnages et bien évidemment la dynamique flics-voyous. A travers un récit nerveux – dès le deuxième épisode qui introduit des enjeux pleins de tension – la série nous plonge dans l’envers de Bobigny et en laissant Paris en marge nous captive jusqu’à la fin. Une fin qui conclut d’ailleurs efficacement tous les enjeux introduits dès le départ et laisse la porte grande ouverte pour une suite sur un savoureux dilemme.

Au final, pour une avocate ou une scénariste, ce qui compte c’est bien la manière de raconter l’histoire. « 66-5 » démontre cela avec cette première saison parfaitement bien gérée, et s’impose comme une excellente série judiciaire française, rythmée, efficace, et immersive.

Raphaël Sallenave
 

After the great first season of “BRI”, which took a realistic approach to the police detective genre, Canal+ is back this fall with a new French series, this time taking a fresh look at the legal arena. Behind this cryptic title for anyone not familiar with French law (a reference to the article defining lawyer-client privilege) lies a legal drama that is both thrilling and realistic, created by Anne Landois, scriptwriter of seasons 3 to 6 of the acclaimed series “Spiral” (also broadcast by Canal+). “66-5” follows Roxane, a young commercial lawyer in a prestigious Parisian firm, who is eager to prove herself but finds her daily life turned upside down by a trainee’s accusation of rape against her husband and fellow lawyer. Her life then shifts to the other side of the ring road, where she picks up new habits that bring her closer to her mother, her sister, her childhood friend… to her past. The series is therefore built on this crossing of the ring road as a journey through space coupled with a journey through time, with the protagonist returning to the neighborhood she grew up in. This geographical journey is therefore also social and personal, and overlaps with the career of its scriptwriter.

This legal drama show is thus inevitably anchored in the world of “Spiral”, but also takes a different path, with a young heroine full of doubts, still a far cry from Audrey Fleurot’s femme fatale, and a very different setting where the suburbs are now the center of the plot, leaving Paris on the periphery of the script. In contrast to the darker sides of the “Spiral” TV show, Anne Landois clearly wanted to bring the suburbs into the spotlight, showing them to be not only habitable, breathable and lively, but also full of challenges to be conquered. This can be seen in the cinematography, with its powdered lenses flooding the picture with crimson light, and in the light-permeated settings, such as the Bobigny courthouse and its architecture, with its skylights letting in the sun.

The heroine exemplifies the gap between two worlds and the difficult transition from one to the other. When she’s in Paris, Roxane performs, dressed to the nines, wearing make-up and flashy jewelry, then she gradually takes it all off. A symbol of a class breaker, she is a fighter, brilliantly played by Alice Isaaz (Crème de la crème; Play; The Colors of Fire), just as convincing in her tough-guy relationships as she is in a courtroom argument. While she clearly drives the whole show, she is joined by a number of great supporting characters, whose complexity and humanity are revealed at every turn.

“66-5” doesn’t avoid all the clichés, but it cleverly moves away from them and – while not revolutionary – offers a fresh look at this world. The practice of law is shaken up by the individual fates of the characters and, of course, the cop/thug dynamic. The series brings us into Bobigny’s underworld through a fast-paced narrative – from the second episode onwards, which introduces the tension-filled stakes – while leaving Paris on the outskirts to captivate us right to the end. The end neatly wraps up all the issues introduced at the outset, and leaves the door wide open for a sequel on a fascinating dilemma.

Ultimately, for a lawyer or screenwriter, what matters is the way the story is told. “66-5” illustrates this with its perfectly managed first season, cementing its status as an excellent, fast-paced, effective and immersive French legal show.

 
Raphaël Sallenave
B.R.I. - Saison 1
Le Procès Goldman