Rsg Production

Nouvelles de Roald Dahl

 
Roald Dahl’ short stories
 
Courts-métrages [TV]
 
Best Live Action Short – Oscars

2023

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Après l’avoir présenté à la Mostra de Venise, Wes Anderson sortait le mois dernier sur Netflix son deuxième projet de l’année : quatre adaptations d’un recueil de nouvelles écrites par Roald Dahl et publié en 1977. Il en tire un moyen-métrage (40’) et trois courts-métrages (15’), « La merveilleuse histoire de Henry Sugar », « Venin », « Le Preneur de rats », et « Le Cygne », où les mêmes acteurs se retrouvent dans différents rôles avec Benedict Cumberbatch, Dev Patel, Ben Kingsley, Rupert Friend, Richard Ayoade, et Ralph Fiennes notamment dans le rôle de Roald Dahl lui-même. C’est d’ailleurs la deuxième fois que le réalisateur texan adapte une œuvre du célèbre romancier britannique après « Fantastic Mr. Fox » (2009).
 
Comme dans son long-métrage « Asteroid City » sorti cet été, il est une nouvelle fois question d’artificialité avec une mise en scène qui joue clairement sur l’art de l’illusion – à l’image de la boîte lévitant les acteurs – dans un stylé très théâtral avec des décors mobiles, des transitions actionnées en direct par un machiniste se mêlant à la narration, des acteurs jouant plusieurs rôles chacun, ou encore une absence totale d’artifice visuel. C’est pourtant le propre du cinéma de rendre visuellement crédible son récit, de le mettre en images, et de ne pas sortir son public de la narration. Fidèle à son style très plastique, Wes Anderson choisit ici de prendre totalement le contrepied de nos attentes cinématographiques avec une narration très littéraire et une forme très artificielle.
 
Il laisse ainsi ses acteurs présents à l’écran énumérer les faits à la manière d’un narrateur tout en les laissant jouer leur personnage avec un point de vue interne. Il mêle donc habilement les dialogues des personnages dans l’intrigue et les monologues des narrateurs dans le récit, rendant alors ce médium habituellement très visuel, ici très oral, aux antipodes de la coutume qui est de dire pour le VIIe art “show don’t tell”. Il n’utilise, de plus, aucun artifice autre que des costumes ou des perruques – même dans une nouvelle évoquant une infestation de rats, il n’y en a pas – toute l’action y est racontée par le narrateur, ne laissant plus que les dialogues et le jeu des acteurs à la scène pour exister. A l’exception de quelques jeux de décors qui agissent telles des didascalies de notre lecture visuelle, cela demande donc de tout imaginer. Wes Anderson nous plonge ainsi littéralement dans une adaptation de ces nouvelles, et comme dans un livre, il laisse l’imagination du spectateur faire effet.
 
Cette forme atypique laisse donc beaucoup de places à ses acteurs, pour qui ce n’est autre qu’une belle opportunité de faire preuve de leur palette de jeu dans des styles bien différents. Alors bien sûr, ce recueil est avant tout un exercice de style inventif, un véritable défi technique, et comme dans tout recueil certains courts-métrages vont plus plaire que d’autres. Mais dans l’ensemble, Wes Anderson parvient avec ce style littéraire transposé sur écran, à créer de la tension et proposer une intrigue intéressante, en particulier dans le moyen-métrage qu’il ouvre et ferme avec une mise en abyme comme dans ses deux précédents longs-métrages, d’autant que le format court se prête bien à ce style très souligné.
 
Raphaël Sallenave
 
After premiering at the Venice Film Festival, Wes Anderson released his second project of the year on Netflix last month: four adaptations of a collection of short stories written by Roald Dahl and published in 1977. It features a feature (40′) and three shorts (15′), “The Wonderful Story of Henry Sugar”, “Poison”, “The Rat Catcher” and “The Swan”, in which the same actors appear in different roles, with Benedict Cumberbatch, Dev Patel, Ben Kingsley, Rupert Friend, Richard Ayoade and Ralph Fiennes in the role (among others) of Roald Dahl himself. This is the second time the Texan director has adapted a book written by the famous British novelist, after “Fantastic Mr. Fox” in 2009.
 
As in his feature film “Asteroid City”, released this summer, once again the focus is on artificiality, with a mise-en-scène that clearly plays on the art of illusion – illustrated by the box levitating the actors – in a very theatrical style, with moving sets, live transitions operated by a stagehand interfering with the narrative, actors playing several roles each, and a total absence of visual trickery. Yet it’s the very essence of cinema to make a story visually convincing, to capture it in pictures, and to keep the audience engaged with the narrative. True to his highly plastic style, Wes Anderson chooses here to go completely against our cinematic expectations, with a very literary narrative and a highly artificial style.
 
He lets his actors on screen recite the facts like a narrator, while at the same time letting them play their characters from an internal point of view. He skillfully blends the characters’ dialogues of the plot and the narrators’ monologues of the story, making this usually very visual medium, here very vocal, the antithesis of the traditional « show don’t tell » approach to the seventh art. What’s more, he uses no artifice other than costumes or wigs – even in a short story about a rat infestation, none are used – all the action is narrated by the narrator, leaving only the dialogue and acting for the scene to exist. With the exception of a few set pieces that act as didascalies for our visual reading, this requires us to picture everything. Wes Anderson thus literally takes us into an adaptation of these short stories, and as in a book, he lets the viewer’s imagination take over.
 
This unconventional approach leaves plenty of room for the actors, for whom it’s a great opportunity to showcase their range of acting skills in a variety of roles. Of course, this collection is first and foremost an exercise in inventive style, a genuine technical challenge, and as with any collection, some shorts are more appealing than others. But overall, with this literary style transposed to the screen, Wes Anderson manages to create tension and deliver an interesting plot, particularly in the longer one, which he opens and closes with a mise en abyme as in his two previous features; plus the short format lends itself well to this highly emphasized style.
 
Raphaël Sallenave
Sex Education - S4
Asteroid City