Crasse
Hoard
Best Directing & Screenwriting – (Under 40) Venise
2024/2025
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Bizarre. Voilà de quel qualificatif on pourrait affubler le film « Crasse », réalisé par la prometteuse réalisatrice britannique Luna Carmoon. La crasse et l’accumulation (hoard en anglais pour ce second mot, titre original de l’œuvre), ce sont en effet les deux versants d’une même montagne sensorielle et de reliques qu’érige Maria, une jeune femme de 18 ans en pleine crise identitaire et à la recherche subconsciente du souvenir de sa mère biologique. Or, Maria est aussi agréablement incernable que le long-métrage qui en raconte l’histoire.
L’on peut scinder « Crasse » en deux parties : la première, relativement courte mais pas assez pour parler de prologue, explique en effet la seconde, englobant tout le reste du film. La longue séquence introductive nous présente le paradis insalubre de Maria, huit ans en 1984, qu’a créé sa mère dans une maison absolument sens dessus dessous. Le syndrome de Diogène dont souffre la mère de Maria est de fait transformé en un amoncellement matériel d’amour, et ce qui nous paraît immonde devient alors une thésaurisation de déchets en quelque chose de profondément magique et affectueux. Jusqu’à ce qu’advienne un accident domestique qui va séparer Maria de sa mère. En 1994, notre héroïne rêveuse élevée dans un foyer aimant a bien grandi, mais elle a gardé son âme d’enfant. Les cours se terminant, une idée saugrenue et inconsciente lui vient à l’esprit : celle de s’encrasser et de dénicher çà et là des objets qu’elle compte garder. Et dans cette petite folie, Michael, épris et tombé amoureux de ce drôle de brin de femme, va décider de l’accompagner.
Long synopsis pour expliquer l’irrationnel de Maria, concédons-le, mais aussi pour signifier que « Crasse » est d’une bizarrerie fascinante. Parce que malgré le concept de base, le film est de surcroît d’une légèreté et d’une volupté surprenantes. Nombreuses sont effectivement les scènes d’exaltation sensorielle de Maria dans ses doux délires, et le film est par ailleurs bien plus comique que tragique. En ressort une forme de joie et d’amusement qui nous attache à cette fille dingue et qui nous rend tout aussi dingues, ce qui est une réussite.
Axel Chevalier
Weird. That’s what you might call the film “Hoard”, directed by promising British filmmaker Luna Carmoon. Dirt and hoard are the two sides of the same sensory mountain of relics erected by Maria, an 18-year-old woman in the midst of an identity crisis and subconsciously searching for the memory of her biological mother. But Maria is as pleasantly unnerving as the movie that tells her story.
“Hoard” can be divided into two parts: the first, relatively short but not short enough to be considered a prologue, in fact explains the second, encompassing the whole remainder of the film. The long opening sequence introduces us to eight-year-old Maria’s insalubrious paradise in 1984, created by her mother in a house that is absolutely upside down. The Diogenes syndrome from which Maria’s mother suffers is in fact transformed into a material heap of love, and what seems filthy to us then becomes a hoarding of garbage into something profoundly magical and loving. Until a domestic accident separates Maria from her mother. In 1994, our dreamy heroine raised in a loving home has grown up, but she’s still a child. As school comes to an end, she comes up with a crazy, unconscious idea: to get dirty and find objects here and there that she intends to keep. And in this little folly, Michael, who has fallen in love with this strange woman, decides to join her.
Admittedly, this is a long summary to explain Maria’s irrationality, but it also goes to show that “Hoard” is fascinatingly odd. Because, despite the basic concept, the film is also surprisingly light and delightful. There are many scenes of Maria’s sensory exaltation in her sweet delirium, and the film is far more comic than tragic. What comes out is a form of joy and amusement that bonds us to this crazy girl and drives us just as crazy, which is an achievement.
Axel Chevalier