Andor
[TV]
Saison/Season 2
2025
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Ce n’est pas une série Star Wars ! Oui il y a bien des connexions avec le reste de l’univers (plus qu’en première saison d’ailleurs) mais celles-ci n’ont aucun impact direct sur l’histoire et ne créent pas de poids émotionnel supplémentaire. « Andor » n’est pas conçue pour les fans de la saga, il n’y a pas de Jedi, pas de Force, pas de fan-service ou de caméos accessoires, car tout dans la série se trouve dans sa construction (scénario, mise en scène, design), et ça c’est bien à la portée de tous publics. Qu’on n’ait jamais vu « Rogue One » (le film qui suit directement les événements de la série dans la chronologie Star Wars, ni les autres séries de l’univers, ni même les films d’origine, ou que l’on soit fin connaisseur, « Andor » aura toujours autant d’intérêt et d’impact – du moment que l’on accepte une narration subtile qui joue des non-dits (notamment dans les ellipses de cette saison) et des parallèles historiques, visuels, et thématiques entre personnages.
Trois ans après une première saison déjà extrêmement riche et fine, Tony Gilroy poursuit donc le parcours de mutation de son protagoniste-titre autour d’une galerie de personnages nuancés et tous divisées selon plusieurs lignes de fractures. Cette seconde et ultime saison se concentre tout particulièrement sur les problématiques de confiance et de vérité dans un monde où cette dernière est attaquée de toutes parts, où des croyances sont effacées, où les médias sont utilisés pour de la propagande. La trame oppose ainsi un effort d’unification qui passe par une structuration contrainte des militants libertaires à un effritement d’une machine de carriéristes prétendant servir une idéologie. Elle oppose d’un côté la rébellion qui tourne le dos au romantisme révolutionnaire et fait l’apprentissage du réalisme militaire ; et de l’autre l’Empire dont les fonctionnaires s’enfoncent dans les maquis du crime bureaucratique. Un pouvoir fasciste nécessitera toujours une énergie colossale pour subsister.
Entre petite et grande histoire, « Andor » navigue entre action ou tension et étude sensible des comportements dans un mélange de récit politique, thriller d’espionnage, et pamphlet auscultant la naissance d’une tyrannie et de son reflet, mettant en scène comment se construit une révolution. Il y a de tout dans cette série (y compris des moments plus légers et des touches d’humour). Et si le récit peut sembler rapide d’un point de vue structurel, la narration prend suffisamment son temps pour développer son sujet, approfondir son propos, et mener à bout le parcours de tous ses personnages. Entre doubles jeux, intérêts croisés, manipulation de la population, ambiguïtés et conflits moraux – sur des personnages prêts à sacrifier des vies pour leur cause, dans les deux camps – tous les personnages se retrouvent divisés dans les frontières poreuses entre rebelles et terroristes pour ne pas se perdre dans la radicalisation de la cause. Ce ne sont ni les grands héros mythologiques, ni les grands méchants démoniaques de l’univers, ce sont des monsieur et madame tout-le-monde questionnant ainsi notre réaction face aux soubresauts de l’Histoire, au surgissement de la violence.
Porté par un excellent casting, c’est aussi une série qui s’impose comme une véritable œuvre de cinéma que ce soit dans le méticuleux travail de cadrage et de montage – qui nous offre à la fois des plans miroirs et des plans symboliques tout en reliant toutes les scènes comme d’un subtil fil conducteur –, dans la multitude de décors construits pour cette saison – qui reflètent les personnages qui les habitent et des lieux de contrastes où s’opposent une architecture de pouvoir et de conquête à une autre d’identité et de mémoire –, ou encore dans les détails visuels et sonores de la création d’une culture s’opposant au conformisme impérial – langue vernaculaire, accent local, costumes évoquant la résistance française – ou musicaux avec un opéra dans le générique d’un épisode comme prémonitoire de la tragédie à venir.
Tout comme la première saison, cette seconde et dernière est divisée en quatre blocs de trois épisodes qui racontent chacun un tournant dans l’histoire de la rébellion. Mais cette fois-ci, un intervalle d’un an ajouté entre chaque bloc. Les spectateurs doivent donc remplir par leur imagination et les suggestions de la narration les ellipses entre chaque semaine de diffusion. En multipliant les sauts dans le temps, la série resserre alors son action autour de journées marquantes de la petite et grande histoire dans une structure plus exigeante aussi bien pour son intrigue que son public. Le seul regret que l’on peut avoir n’est autre que vouloir passer plus de temps avec ces personnages, mais cela reste très fort de suggérer l’essentiel de l’évolution des situations et des personnages après chaque ellipse, et développer en profondeur ses thématiques malgré cette structure contraignante. Avec son gigantesque budget – particulièrement bien utilisé – « Andor » boucle donc la boucle pour nombre de ses personnages et nous offre des scènes palpitantes, des séquences marquantes et des moments glaçants dans des dialogues au cordeau et une intrigue pleine d’émotions qui fait écho à l’histoire et l’actualité.
« Andor » ça se regarde, ça ne se consomme pas. Ça s’apprécie dans les détails. C’est « L’armée des ombres » d’une galaxie lointaine (très lointaine) qui fait clairement passer un cap à Star Wars. L’univers de la saga y est ici au service de la narration (et pas l’inverse) pour créer l’une des meilleures œuvres de science-fiction depuis longtemps, l’un des préquels les plus enrichissants, et tout simplement l’une des meilleures séries de ces dernières années !
This is not a Star Wars show! Yes, there are connections with the rest of the universe (more so than in the first season, actually), but these have no direct impact on the story and create no additional emotional weight. “Andor” is not designed for fans of the saga: there are no Jedi, no Force, no fan service or incidental cameos, because everything in the series is to be found in its essence (story, direction, design), and this is something that all audiences can relate to. Whether you’ve never seen “Rogue One” (the film that directly follows the events of the series in the Star Wars timeline), the other shows in the universe, and even the original films, or you’re a die-hard expert, “Andor” will always have just as much interest and relevance – as long as you embrace a subtle narrative that relies on the unspoken (especially in this season’s ellipses) and on the historical, visual and thematic parallels between characters.
Three years after an already extremely rich and sophisticated first season, Tony Gilroy continues the journey of change of his titular protagonist around a galaxy of nuanced characters, all divided along several fault lines. This second and final season focuses particularly on issues of trust and truth in a world where the latter is under attack from all fronts, where beliefs are being erased, and where the media are being used for propaganda. The plot thus confronts an effort to unify through the forced structuring of libertarian activists with the crumbling of a machine of careerists pretending to serve an ideology. On the one hand, it contrasts the rebellion, which is abandoning revolutionary romanticism and learning military realism; and on the other, the Empire, whose officials are sinking into the maquis of bureaucratic crime. Fascist power will always require tremendous energy to survive.
Somewhere between the big and the small of history, “Andor” navigates between action or tension and a sensitive study of behavior in a blend of political narrative, espionage thriller and fable examining the birth of a tyranny and its reflection, depicting how a revolution is born. There’s everything in this series (including moments of levity and touches of humor). And while the story may seem fast-paced from a structural point of view, the narration takes enough time to develop its plot, delve into its themes and bring all the characters’ journeys to a close. Amid deception, conflicting interests, manipulation of the population, ambiguities and moral conflicts – with characters willing to sacrifice lives for their cause, on both sides – all the protagonists find themselves divided in the porous boundaries between rebels and terrorists, struggling not to get lost in the radicalization of the cause. These are neither the great mythological heroes nor the great devilish villains of the universe, but ordinary people, challenging our reaction to the tremors of history and the rise of violence.
Driven by an outstanding cast, this is also a series that stands out as a true piece of cinema, be it in the meticulous framing and editing – which offers us both mirror shots and symbolic visuals, all the while weaving all the scenes together like a fine common thread – or in the plethora of settings built for this season – which reflect the characters who inhabit them and the contrasting locations, where the architecture of power and conquest clashes with that of identity and memory – or in the visual and sound details of the creation of a culture opposed to imperial conformism – vernacular language, local accent, costumes reminiscent of the French resistance – as well as in the music, with an opera in the closing credits of one episode as a foreshadowing of the tragedy to come.
Like the first season, this second and final one is split into four blocks of three episodes, each telling the story of a turning point in the history of the rebellion. But this time, a one-year gap has been added between each block. Viewers must therefore fill in the ellipses between each weekly installment, using their imagination and the storytelling’s suggestions. By increasing the time jumps, the series then tightens its focus on key days in history, both big and small, in a more challenging structure for both its plot and its audience. The only regret we may have, is that we’d like to spend more time with these characters, but it’s still very impressive to convey the gist of the evolution of situations and characters after each time jump, and to thoroughly explore its themes in spite of this limiting structure. With its gigantic budget – particularly well utilized here – “Andor” comes full circle for many of its characters, delivering thrilling scenes, memorable sequences and chilling moments in sharp dialogue, resonant storytelling and a devastating emotional impact.
“Andor” is to be seen, not just viewed. It can be appreciated in the details. It’s the “Army of Shadows” from a galaxy far, far away, which clearly takes Star Wars to a whole new level. And the fact that it uses Star Wars iconography to tell its story is secondary to what makes it so excellent and creates one of the best pieces of science fiction in a long time, one of the most enriching prequels, and quite simply one of the best series of the last few years!