Le Joueur de Go
碁盤斬り – Gobangiri
Black Dragon (Audience Award) – Udine Far East
2025
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A Edo (ancien nom de Tokyo et siège du pouvoir du shogunat Tokugawa qui a dirigé le Japon de 1603 à 1868), un rōnin (samouraï déchu) et sa fille mènent une existence simple et modeste. S’il gagne désormais sa vie, il n’en demeure pas moins samouraï en son for intérieur, strictement attaché à son code d’honneur, intègre et incorruptible. Et si ses jugements sont d’une précision sans faille … tout comme ses attaques au go (jeu de stratégie combinatoire abstrait), ses valeurs, elles, ne vont pas de pair avec les voleurs et tricheurs …
Kazuya Shiraishi, doublement récompensé en tant que meilleur réalisateur (2017 & 2018) au Japon, signe un jidai-geki (film d’époque, en costume) très traditionnel au carrefour du polar et du portrait psychologique s’inscrivant ainsi dans la pure tradition du cinéma japonais. C’est un film de chanbara sur le Japon féodal entremêlant rivalités mortifères et silencieuses parties de go dans une première partie presque méditative suivie d’une seconde sous tension.
Visuellement splendide, « Le joueur de go » réussit notre immersion dans l’ère d’Edo avec ses costumes et décors soignés ainsi que sa photographie élégante mais sobre d’une beauté austère. Si le style est classique, le chef-opérateur Jun Fukumoto y apporte une touche plus moderne en multipliant les travellings et panoramiques avant de les conclure par un cadre fixe tel un point d’exclamation. Les performances du trio principal – avec le vétéran Jun Kunimura, la jeune Kaya Kiyohara et le chanteur star Tsuyoshi Kusanagi dont le visage a la puissance d’un masque – viennent alors parachever l’authenticité de ce beau film d’époque.
C’est donc un film qui rend hommage à l’âge d’or du cinéma de samouraï tout en proposant un changement d’état d’esprit de son héros. Si la trame narrative n’a rien d’original, les péripéties en ont en décentrant la violence vers l’affrontement guerrier symbolique du plateau de jeu et en faisant ainsi l’éloge de la patience et de la concentration. A travers ses intenses duels – de sabre ou de go – émerge une profonde humanité en explorant les thèmes de l’honneur et de la loyauté avec la dimension stratégique du jeu de go en toile de fond.
Raphaël Sallenave
In Edo (Tokyo’s former name and the ruling center of the Tokugawa shogunate, which ruled Japan from 1603 to 1868), a rōnin (“fallen samurai”) and his daughter live a simple, modest life. Although he now earns a living, he remains a samurai at heart, strictly committed to his code of honor, honest and incorruptible. And while his judgments are unfailingly precise… as are his moves at go (an abstract strategy game), his values don’t play well with thieves and cheaters…
Kazuya Shiraishi, twice awarded best director (2017 & 2018) in Japan, directs a very traditional jidai-geki (period costume film) somewhere between a thriller and a psychological drama, in the finest tradition of Japanese cinema. It’s a samurai movie about feudal Japan, interweaving deadly rivalries and silent games of go in an almost meditative first part followed by a tension-filled second one.
Visually stunning, “Gobangiri” successfully brings us back to the Edo period, with its carefully crafted costumes and sets, as well as its elegant yet restrained cinematography of rugged beauty. Although the style is conventional, cinematographer Jun Fukumoto adds a more modern feel by multiplying tracking shots and panning shots before closing on a still frame like an exclamation mark. The performances of the main trio – veteran Jun Kunimura, young Kaya Kiyohara and star singer Tsuyoshi Kusanagi, whose face holds the power of a mask – complete the authenticity of this beautiful period drama.
This is therefore a film that honors the golden age of samurai cinema, while at the same time offering a change in its hero’s mindset. If the storyline isn’t particularly original, the plot is, by decentralizing violence towards the symbolic warrior confrontation of the game board, praising patience and concentration. Through these intense duels – whether of sword or go – a deep humanity shines through, exploring the themes of honor and loyalty within the backdrop of the strategic dimension of the game of go.
Raphaël Sallenave