Black Dog
狗阵 / Gǒu zhèn
2024/2025
FR EN
En 2008, dans une petite ville en déperdition au beau milieu du désert de Gobi, un ancien détenu se lie d’amitié avec un chien errant. Réalisé par Guan Hu, « Black Dog » (dont le titre original en mandarin signifie « Combat de chiens ») est un long-métrage contemplatif, silencieux et mélancolique qui a notamment remporté le prix Un certain regard au Festival de Cannes de 2024. Qualifié çà et là de « western », le film se veut bien plus minimaliste et morose.
« Black Dog » dresse avant tout le portrait d’une Chine marginale dont le nord-ouest aride reste largement délaissé et livré à lui-même. La ville quasi fantôme où se déroule l’histoire paraît presque totalement abandonnée, avec des immeubles délabrés et balayés par le vent, des rues vidées de leurs habitants (les quelques restants semblant être devenus fous à force de désabusement) et même un zoo en friche dont une grande partie des animaux (à l’exception notable d’un tigre de Mandchourie) se sont enfuis. De fait, dans cette contrée, il semble y avoir plus de chiens errants que d’êtres humains – ces derniers considérant ces premiers comme un fléau et un frein au développement de la localité.
Lang, le héros, passe ainsi d’une prison à une autre : de celle d’une cellule exiguë à celle de la vide immensité de son monde. Quasi mutique, il ne (re)trouve pas sa place dans cette communauté, lui le motard et musicien ex-star du coin. Seule sa rencontre avec un chien présumé enragé paraît le raccrocher à un semblant de bonheur, ce canidé noir lui ressemblant bien plus que ses semblables humains. Car l’existence dans le Gobi est morne et accidentée, à l’instar des véhicules qui se renversent dans le désert cahoteux ou des lentes et tristes disparitions qu’affronte ce bout du monde – qui pourtant appartient à cette société qui s’enthousiasme des J.O. de Pékin et est traumatisée par le séisme du Sichuan.
Arrêt sur image très actuel de l’arrière-pays chinois, « Black Dog » forme ainsi une fable atemporelle sur l’isolement et la solitude, certes désenchantée mais non dénuée d’une certaine lueur d’espoir, symbolisée par cette simple et belle amitié chien-humain.
Axel Chevalier
In 2008, an ex-convict befriends a stray dog in a small town in the middle of the Gobi Desert. Directed by Guan Hu, “Black Dog” (whose original title in Mandarin means “Dogfight”) is a contemplative, quiet and wistful film that earned the Un Certain Regard prize at the 2024 Cannes Film Festival. Although described here and there as a “western”, the movie is much more minimalist and morose.
Above all, “Black Dog” depicts a marginal China whose arid northwest remains largely neglected and left on its own. The near-ghost town where the story takes place seems almost totally abandoned, with dilapidated, windswept buildings, streets emptied of their inhabitants (the few who remain seem to have gone mad from disillusionment) and even a fallow zoo from which most of the animals (with the notable exception of a Manchurian tiger) have fled. In fact, there seem to be more stray dogs than human beings in this region – the latter considering the former to be a plague and a hindrance to the development of the area.
Lang, the hero, goes from one prison to the next: from a tiny cell to the empty vastness of his world. Virtually mute, he (re)discovers no place for himself in this community, even as a biker and former local star musician. Only his encounter with a supposedly rabid dog seems to bring him some semblance of happiness, as this black canine is a lot more like him than his human counterparts. After all, life in the Gobi region is bleak and rugged, as are the vehicles that fall over in the bumpy desert, and the slow, sad disappearances that face this end of the world – which nonetheless belongs to a society excited by the Beijing Olympics and traumatized by the Sichuan earthquake.
“Black Dog” is therefore a timeless fable about isolation and loneliness, a disenchanted tale but not without a glimmer of hope, encapsulated in a simple, beautiful dog-human friendship.
Axel Chevalier