5 septembre
September 5
Best Editing – Spirit
2024/2025
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Septembre Noir ! Le 5 septembre 1972, le groupe de fedeyin Palestiniens prend en otage une partie de la délégation israélienne lors des Jeux Olympiques de Munich, et donc qui plus est, en Allemagne de l’Ouest … Steven Spielberg était déjà revenu sur cette tragédie dans son film « Munich » (2005) consacré à la traque des terroristes, et Kevin Macdonald avait quant à lui mis en lumière le fiasco de la police ouest-allemande lors de ces attentats dans son documentaire « Un jour en septembre » (1999). Ici l’objectif est tout autre : revivre cette prise d’otages par le prisme du journalisme et en direct en nous plongeant dans le studio de la chaîne de télévision américaine ABC chargée de diffuser les épreuves sportives et qui s’improvisa donc sans la moindre expérience, chaîne d’info en continu avant l’heure !
Le réalisateur suisse Tim Fehlbaum dépasse ici la simple reconstitution historique : il déplace aussi le regard. Non seulement le film bénéficie ainsi d’un grand réalisme grâce à un gros travail historique (sur les matériels, les infos, et la précision du timing) en intégrant de nombreuses images d’archives, comme les interventions du présentateur Jim McKay à l’antenne ou les rares images capturées de la prise d’otage. Mais il laisse aussi les horreurs au cœur du sujet complètement hors-champ en nous plaçant et nous maintenant durant toute la durée de la prise d’otage dans la salle de régie des studios de la chaîne ABC. Le spectateur est alors placé dans les mêmes conditions que ces journalistes et techniciens dépassés par les événements multipliant les coups de fil pour identifier les otages, négocier avec leur hiérarchie, et tout simplement essayer de comprendre ce qu’il se passe … et donc nous permettre en direct à nous aussi de prendre la mesure des événements ! Et cette mise en condition en huis-clos dans un faux temps-réel crée un film d’une rare intensité renforcée par la courte durée du film, son rythme haletant, son montage serré et sa mise en scène fluide entre caméras à l’épaule et panoramiques filés. C’est une immersion particulièrement efficace sur l’une des pages sombres de l’Histoire européenne, médiatique et terroriste.
Et c’est un film construit comme un thriller avant tout médiatique, entre la concurrence entre les chaînes, la course au scoop, et la diffusion problématique d’images (à la fois par leur nature en direct ne permettant pas de choisir ce que la chaîne peut ou ne peut pas montrer, mais aussi de par leur nature potentiellement compromettante pour le travail de la police). Et « 5 Septembre » sera évidemment encore plus fort pour celles et ceux ne connaissant pas les faits, puisque le suspense journalistique devient alors aussi historique et humain. C’est donc un film qui vous happe par sa tension constante auprès d’un groupe de journalistes remarquablement interprétés par un casting plutôt de cinéma indépendant et international avec notamment John Magaro (Past Lives), Peter Sarsgaard (Memory) et Leonie Benesch (La Salle des Profs).
Mais c’est aussi un film qui pousse ses personnages journalistes (et donc de par sa mise en condition, également le spectateur) à interroger son rapport aux images, les dangers du direct et les limites de l’information. Au fond, c’est un film historique sur le moment où la frontière entre le devoir d’informer et le désir de sensationnel se brouillait pour toujours. Et dans une époque aujourd’hui où l’actualité semble rythmée et dictée par l’info en continu, on aurait pu espérer que ces enjeux professionnels et ces dilemmes moraux soient poussés un peu plus loin mais il est vrai que les personnages sont tous pris dans l’instant, ne laissant que peu de place à cette réflexion, mais ce qui est par ailleurs parfaitement mis en scène dans une unité de temps et de lieu en ne quittant jamais le studio et en se déroulant sur cette unique, longue et éprouvante journée.
Raphaël Sallenave
Black September! On September 5, 1972, a group of Palestinian fedeyin held the Israeli delegation hostage during the Munich Olympic Games, precisely in West Germany … Steven Spielberg had already revisited this tragedy in his film “Munich” (2005), dedicated to the hunt for the terrorists, and Kevin Macdonald had brought to light the fiasco of the West German police during these attacks in his documentary “One Day in September” (1999). Here, the goal is quite different: to experience the hostage situation through the lens of journalism, and live from the studio of the American television channel ABC, which was in charge of broadcasting the sporting events and thus improvised itself, with no experience whatsoever, as a 24-hour news channel ahead of its time!
In this film, Swiss director Tim Fehlbaum goes beyond mere historical reenactment: he also shifts the focus. Not only does the film benefit from a high degree of realism, thanks to a great deal of historical detail (on equipment, news and precise timing) and the inclusion of plenty of archival footage, such as on-air appearances by presenter Jim McKay or the rare images captured during the hostage-taking. But it also leaves the horrors at the heart of the story completely out of the picture, putting us and keeping us in the control room of the ABC studios for the entire duration of the crisis. The viewer is then thrown into the same conditions as these journalists and technicians, overwhelmed by the situation, as they make more and more phone calls to identify the hostages, negotiate with their superiors, and simply try to understand what’s going on … and thereby enable us, too, to assess what’s going on live! The film’s short running time, breathless pace, tight editing and fluid direction with hand-held cameras and whip pan shots all combine to create a film of rare intensity. It’s a particularly powerful immersion in one of Europe’s darkest pages of media and terrorist history.
And it’s a film built above all like a media thriller, between the competition between channels, the race for exclusive news, and the problematic broadcasting of images (both because of their live nature, which makes it impossible to choose what the channel can or cannot show, and because of their potentially compromising nature for police work). And “September 5” will obviously be even more powerful for those who don’t know the facts, since the journalistic suspense then also becomes historical and human. It’s therefore a film that grabs you with its constant tension with a group of journalists, remarkably played by a mostly independent and international cast including John Magaro (Past Lives), Peter Sarsgaard (Memory) and Leonie Benesch (The Teachers’ Lounge).
But it’s also a film that challenges its journalist characters (and therefore, through its approach, also the viewer) to question their relationship with the images, the dangers of live coverage and the limits of news reporting. Basically, it’s a historical film about the moment when the line between the duty to report and the desire for sensationalism blurred forever. And in an era today when the news seems to be driven and dictated by the 24-hour press cycle, we might have hoped to take these professional issues and moral dilemmas a little further, but it’s true that the characters are all caught up in the moment, leaving little room for such reflection, which is otherwise perfectly staged in a unity of time and place, never leaving the studio and unfolding over the course of this single, long and harrowing day.
Raphaël Sallenave