Rsg Production

Blonde

 

2022

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Andrew Dominik nous livre une œuvre unique pouvant à la fois être qualifiée d’anti-biopic, de portrait-fiction ou encore de film d’horreur onirique !

Le réalisateur australien adapte le roman de Joyce Carol Oates revenant sur la vie tumultueuse de la légende Marilyn Monroe et remet en question le culte de la célébrité, le regard du public et les violences systémiques de Hollywood envers les femmes. Si le film divise entre éloge féministe et œuvre prétentieuse, on ne peut que souligner et féliciter les choix faits et assumés de « Blonde » qu’ils nous plaisent ou non.

Après son splendide « L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford », Andrew Dominik peine à concrétiser son projet dans la mesure où ses films ne rapportent pas assez d’argent et qu’il s’agit d’un audacieux projet assez radical et provocateur. Après douze ans de travail et grâce au financement de Plan-B (la société de Brad Pitt) et la diffusion de Netflix, son film fleuve réinventant Marilyn voit enfin le jour et est présenté aux festivals de Venise et Deauville. Il se place dans la continuité de l’œuvre de l’auteur qui apprécie tout particulièrement les histories presque-vraies et s’adonne à déconstruire les mythes américains en projetant une autre vérité pour redécouvrir, questionner et défaire le mythe.

Ici il s’agit de proposer un autre regard sur une icône adulée mais isolée. Si Marilyn était une icône de l’usine à rêves d’Hollywood, « Blonde » nous en montre l’envers du décor en se concentrant sur une dualité fondamentale : la différence entre ce que nous sommes et ce que nous voulons bien montrer. C’est ainsi l’histoire d’une femme qui a une image avec laquelle elle est en désaccord profond, une femme qui affronte une actrice, la personne la plus célèbre au monde réduite à l’invisibilité sous les projecteurs et les flashs de photographes. Norma est ainsi d’abord sauvée par son alter-ego avant d’être dévorée par celui-ci.

Dès son aphorisme d’introduction, « Blonde » nous prévient “on ne sait jamais ce qui est vrai et ce qu’on imagine”. Il devient alors de plus en plus difficile de démêler le vrai du faux et la réalité de la fiction à travers la recréation de célèbres images de la star américaine à travers son regard et son ressenti. Andrew Dominik nous plonge ainsi dans la tête de Marilyn/Norma et imagine son calvaire. « Blonde » nous transporte alors entre onirisme et horreur et s’enfonce dans un cauchemar, celui d’une femme devenue le réceptacle de tous les fantasmes.

Pour transmettre cette psyché et cette expérience si particulière, le réalisateur démontre un parti pris esthétique très fort en alternant la couleur et le noir & blanc ainsi que tous les formats d’image pour mettre en lumière les basculements psychologiques. Il propose un montage très bien pensé et exécuté à l’aide d’une narration fragmentée et de séquences puissantes. Il expérimente, transformant des draps en chutes, des spermatozoïdes en étoiles, distord les corps et les bouches, et enferme sa Marilyn dans un cadre toujours plus serré. Elle est de tous les plans, tout le monde la regarde, la désire, l’épie : y compris nous les spectateurs de ce récit à travers une caméra presque métaphorique.

Dans ce jeu de double entre Marilyn et Norma, Ana de Armas (A Couteaux tirés) livre une performance troublante et saisissante nous accompagnant dans la progression de cette figure tragique dont la clé de lecture s’avère être son traumatisme d’enfance entre absence du père et folie de la mère. Ça sent fort l’Oscar ou tout du moins la nomination ! Et ne serait-ce que le fait de choisir une actrice cubano-espagnole pour interpréter une icône américaine des années 1950 pourrait résumer l’intention de cette œuvre assez bouleversante et déstabilisante à la fois empreinte de folie et de poésie.

Si « Blonde » ressemble plus in fine à un exercice de style qu’à une démonstration éclatante et captivante, il reste néanmoins un film très certainement singulier, à la fois cru, malaisant et cynique.

Raphaël Sallenave

 

Andrew Dominik delivers a unique piece of art that can either be considered an anti-biopic, a portrait-fiction or a dreamlike horror film!

The Australian director adapts Joyce Carol Oates’ novel about the tumultuous life of the legend Marilyn Monroe and calls into question the cult of celebrity, the public gaze and the systemic violence of Hollywood towards women. If the film divides between feminist praise and pretentious piece, we can only highlight and applaud the choices made and taken in “Blonde” whether we like them or not.

After his gorgeous “The Assassination of Jesse James by the Coward Robert Ford”, Andrew Dominik struggles to bring his project to fruition because his films do not make enough money and because it is a daring project, quite radical and provocative. After twelve years of effort and thanks to the financing of Plan-B (Brad Pitt’s company) and Netflix‘s distribution, his film reinventing Marilyn was finally made and presented at the Venice and Deauville festivals. It is in line with the author’s work, who particularly enjoys near-true stories and devotes himself to deconstructing American myths by projecting a different truth to rediscover, question and unravel the myth.

Here the aim is to offer another look at a beloved but isolated icon. If Marilyn was an icon of the Hollywood dream factory, “Blonde” shows us the other side of the coin by focusing on a fundamental duality: the difference between what we are and what we want to show. It is the story of a woman who bears an image she profoundly disagrees with, a woman who confronts an actress, the most famous person in the world brought down to invisibility under the spotlight and the flashes of photographers. Norma is thus first saved by her alter-ego before being devoured by it.

From its opening aphorism, “Blonde” warns us « you never know what is true and what you imagine ». It then becomes increasingly difficult to tell the real from the fake and the reality from the fiction through the re-creation of famous images of the American star through her eyes and her feelings. Andrew Dominik takes us into the head of Marilyn/Norma and envisions her torment. “Blonde” then transports us between dream and horror and delves into a nightmare, that of a woman who has become the object of all fantasies.

To convey this specific psyche and experience, the director displays a very strong aesthetic commitment by alternating color and black & white as well as all aspect ratios to highlight the psychological shifts. He proposes a very well thought out and executed editing with a fragmented narration and powerful sequences. He experiments, turning sheets into waterfalls, spermatozoa into stars, distorting bodies and mouths, and enclosing his Marilyn in an ever-tightening frame. She is in every shot, everyone looks at her, desires her, spies on her: including us, the spectators of this story through an almost figurative camera.

In this game of doubles between Marilyn and Norma, Ana de Armas (Knives Out) delivers a disturbing and striking performance leading us in the progression of this tragic figure whose key insight lies in her childhood trauma between her father’s absence and her mother’s insanity. There is a strong smell of an Oscar or at least a nomination! And the very choice of a Cuban-Spanish actress to portray an American icon of the 1950’s could sum up the intention of this rather upsetting and destabilizing movie, full of madness and poetry.

Although “Blonde” ultimately looks more like a stylistic experiment than a dazzling and captivating demonstration, it remains a very singular film, at once raw, unpleasant and cynical.

Raphaël Sallenave

Oppenheimer
Elvis