Sentinelles – Mali
[TV]
Saison/Season 1
Meilleure Musique – La Rochelle
2022
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Jamais le sujet n’avait été abordé dans une série française et voilà qu’avec « Sentinelles », la guerre au Mali devient le sujet même de cette nouvelle série produite par Orange Studio et disponible sur OCS depuis avril.
Créée par Thibault Valetoux (Totems) et Frédéric Krivine (Un village français), et réalisée par Jean-Philippe Amar (Un village français ; Engrenages), « Sentinelles » raconte l’histoire d’une section de l’armée de terre déployée dans le cadre de l’opération Barkhane. La série nous plonge dans la complexité des opex avec à la fois une immersion dans le quotidien des militaires et une interrogation sur le bien-fondé de l’intervention française au Sahel.
L’armée doit en effet composer dans sa traque djihadiste avec une population locale qui accepte de moins en moins la présence française depuis le changement du périmètre d’intervention de l’opération Serval et l’enlisement face à la prolifération des groupes armés sur les braises de conflits mal éteints et la menace d’un nouveau califat. Mais « Sentinelles » n’est pas une dissertation de géopolitique, ces problématiques ne sont en effet traitées qu’à travers le biais des personnages. C’est là, la grande force de la série, elle met en scène une grande variété de personnages de la femme officier au sergent noir et musulman, en passant par le héros militaire dichotomique. Ils sont d’origines sociales différentes, de croyances divergentes et laissent entrevoir leurs failles lorsque confrontés à des notions inhérentes à l’armée comme la mort, la peur ou la culpabilité. L’uniforme doit ainsi gommer ces différences et désaccords au gré d’un projet républicain dont les valeurs sont compatibles voire complémentaires à celles d’un Islam remis en question et pointé du doigt par l’opinion publique. C’est donc une « grande muette » très bavarde qui est ici dépeinte, une utopie universaliste dans un contexte post-colonial et post-Bataclan où la série fait avant tout ressortir l’humain confronté à ses sentiments et ses appréhensions.
« Sentinelles » n’est pas un presque-documentaire comme « Mon Légionnaire » de Rachel Lang, l’on peut en effet noter quelques transgressions techniques dues à la romancisation de cette fiction, mais la série reste particulièrement minutieuse sur le fond. Elle pourra ainsi s’apparenter à des séries telles que « Un Village Français » ou « Le Bureau des Légendes » pour son réalisme et son intensité mais moins pour son suspense ou la profondeur de l’intrigue. Ce n’est pas que le scénario ne s’y prête pas mais il ne rentre pas encore dans cette première saison dans les méandres de la géopolitique sahélienne. Néanmoins, les bases posées par ces sept premiers épisodes peuvent tout à fait permettre de s’y attaquer dans une seconde saison. Le choix de sujet et de temporalité pour celle-ci sera d’ailleurs intéressant en restant sur place pour développer les relations et les enjeux ou en suivant l’actualité immédiate avec le retrait des forces Barkhane et Takuba du Mali et leurs lourdes conséquences.
Ce sont donc ses personnages attachants joués avec talents par l’ensemble des acteurs qui illuminent l’écran et portent cette série dont la réalisation sans gros budget soutient également parfaitement son propos. Elle met en scène un milieu hostile avec ses plans du désert marocain et des nombreux scarabées maliens dans les couleurs chaudes d’un environnement asphyxiant faisant peser une forte pression morale sur les troupes. Ce n’est pas une série de guerre ou d’action, c’est une série sur la guerre où les tensions entre les hommes et les femmes qui y sont confrontés sont le nerf de l’action.
Au final, « Sentinelles » est avant tout un portrait de la jeunesse française et une nouvelle série hexagonale de grande qualité !
Never before has the topic been tackled in a French series, and now with “Sentinelles”, the war in Mali becomes the very subject of this new series produced by Orange Studio and available on OCS since April.