Rsg Production

Yip Man au cinéma :

 

The Grandmaster & Quadrilogie Ip Man

 
[Dossier]
 

2013 & 2008, 2010, 2015, 2020

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Yip Man et le cinéma

Si vous connaissez le Kung Fu grâce à Po le Panda de chez Dreamworks Animation, il est peut-être temps de plonger dans l’histoire de l’un de ses plus grands maîtres. Bruce Lee me diriez-vous ? Eh bien non, plutôt le célèbre Yip Kai-Man, qui ne fut autre que le maître de Bruce Lee avant que ce dernier ne conquière le cinéma hong-kongais. A l’occasion de la sortie française du film « Ip Man 4 » que nous critiquerons ce week-end, intéressons-nous aujourd’hui à la figure de Yip Man qui a déjà fait l’objet de nombreux films.

Le Kung Fu désigne, de manière générale, les arts martiaux chinois, et Yip Man était un maître du Wing Chun, un art martial originaire du sud et orienté particulièrement sur le combat rapproché. Il participa à l’exportation du Wing Chun, avant que son plus connu disciple ne s’en serve à l’écran de ses nombreux films. Il se trouve qu’il est peut-être l’unique figure historique dont une dizaine de films biographiques retracent la vie ou un combat. Si la quadrilogie « Ip Man » (sans compter les spin-off) du réalisateur hong-kongais Wilson Yip est bien sûr la plus connue, plusieurs autres films s’intéressent à la figure du Maître Yip, tels que « Ip Man : La légende est née », « Le Combat final », ou encore « The Grandmaster ». Ce riche corpus, permet de se faire une idée assez précise de sa vie, des étapes qu’il a traversées et de ses enseignements.

Tout d’abord, il y a bien sûr, la quadrilogie « Ip Man » qui a popularisé l’histoire de ce grand maître interprété ici par Donnie Yen, lui-même artiste martial (qui devint l’incontournable d’Hong-Kong après le retrait de Jackie Chan et Jet Li). S’il est vrai que la saga n’est pas parfaitement fidèle à la vie de Yip, elle suit les grandes étapes de sa vie et construit une intrigue faite de nombreux combats, avec toujours un nouveau défi à relever. Si cela contribue au spectacle que sont ces films, la saga en profite également pour enseigner certaines valeurs, notamment au travers de personnages inventés. La vie de Yip Man est alors semée d’aventures plus ou moins réelles mais qui donnent une bonne idée du personnage tout en en faisant un véritable héros de saga. Les scènes de combats sont impressionnantes d’une part pour leur côté spectaculaire avec l’utilisation des câbles caractéristique du cinéma hong-kongais mais d’autre part, également pour la profonde maîtrise martiale des acteurs qui permettent de filmer en plan large et ainsi de profiter des techniques et des enchaînements de la chorégraphie.

Les « Ip Man » c’est tout un style qui renvoie bien sûr aux films de Bruce Lee (La Fureur de Vaincre ; Opération Dragon ; Le Jeu de la Mort). Ce sont des films d’arts martiaux, particulièrement riches en combats mais ils ont aussi la force d’être des films historiques, des films qui explorent la culture martiale et chinoise. Enseigner des valeurs est une philosophie très importante dans l’art martial, et en bons films d’arts martiaux, les « Ip Man » n’échappent pas à la règle. Mais leur aspect historique ne peut pas non plus être négligé. Les deux premiers apportent surtout un point de vue intéressant sur des périodes historiques majeures de l’histoire chinoise, à savoir la guerre avec le Japon en 1937 dans le premier volet et la présence britannique à Hong-Kong dans le second. Ces événements sont alors vus sous l’angle des arts martiaux, comment ceux-ci s’intègrent dans ces contextes si particuliers et quelles conséquences les valeurs, le code d’honneur, la dignité et la culture chinoise qui les imprègnent peuvent avoir sur l’adversité qu’ils rencontrent à travers la culture japonaise, leur armée impériale et leur Karaté, ou l’occupation britannique et leur ring de boxe.

Les « Ip Man » ne sont pas qu’un long biopic de la vie de Yip, il s’agit véritablement d’une saga, avec des personnages récurrents développés au travers des opus, des thèmes différents et une progression du personnage. Si les deux premiers volets comportent également une évolution historique majeure, ils évoluent tous dans la chorégraphie des combats. Le style est différent à chaque opus en raison du contexte dans lequel se situe l’action : le Kung-Fu de Yip fait face au Karaté japonais dans le premier volet, puis à la boxe anglaise dans le second et enfin à lui-même dans le troisième avec un duel Wing Chun vs Wing Chun à la recherche des racines mêmes de ce style.

Néanmoins, si le troisième opus est toujours imprégné de valeurs et comporte un combat très impressionnant dans un escalier, le film prend un virage plus marqué vers la saga. En effet, beaucoup plus de petits combats parsèment l’intrigue, de nouveaux personnages sont introduits pour être ensuite développés en spin-off, l’aspect familial y est bien plus approfondi et une intrigue moins développée puisque divisée en plusieurs histoires auxquelles Yip est liée, font du troisième opus un volet plus faible pour moi. L’élément historique auquel l’intrigue est ici liée, la corruption et les triades, n’élève pas le film en leçon historique et philosophique comme les deux précédents. Cet aspect saga des « Ip Man » renvoie un peu au « Rocky » américain avec ici le maître du combat, symbole de dignité et héros d’un peuple. La saga chinoise insiste cependant plus sur les valeurs, et développe une progression thématique de la survie de Yip à l’apprentissage de la vie, en passant par sa capacité d’adaptation.

Plusieurs autres films traitent de la vie de Yip Man plus ou moins précisément et sous différents angles. Personnellement, je trouve que regarder les « Ip Man » et « The Grandmaster » permet non seulement d’être diverti, d’assister à un spectacle, de s’imprégner de valeurs et d’en apprendre davantage sur la culture chinoise tout en ayant une idée assez claire de la vie de Yip. En effet, le film de Won Kar-Wai est d’un côté plus biographique, plus réaliste et plus dur que les films de Wilson Yip, et d’un autre côté, il est également plus général en ne se focalisant pas uniquement sur Yip. L’héritage de la famille Gong est ainsi un point important de l’intrigue, auquel Yip est certes lié, mais qui aboutit donc au développement d’autres personnages pour approfondir la contextualisation et les leçons apportées par le film. Celui-ci apparaît en effet, plus théorique que la saga de Wilson Yip, le Kung-Fu y étant bien plus développé sous son côté valeurs que combat.

Cependant, « The Grandmaster » n’est pas pour autant dénué de scènes d’action. La scène d’introduction en est d’ailleurs la preuve, avec un magnifique combat de Yip Man face à de multiples assaillants sous la pluie. Le combat est particulièrement esthétique, tout comme l’ensemble du film, avec un important travail sur le visuel, des décors aux couleurs. De manière générale, le film de Wong Kar-Wai est bien plus cinématographique que les « Ip Man », bien plus beau, les plans plus sophistiqués. Mais il faut dire, que les deux films ne recherchent pas exactement le même but, les uns sont plus orientés vers l’action, quand l’autre recherche l’art entre cinéma et martial. Néanmoins, si j’ai peut-être un léger regret concernant les magnifiques combats de « The Grandmaster », ce serait que l’ensemble d’un combat tel que celui d’introduction, peut sembler moins clair avec une utilisation d’outils cinématographiques plus accrue (ralentis, zooms, câbles). S’il est vrai que c’est réussi visuellement, on voit malheureusement moins la pratique martiale des acteurs, ce qui est de mon point de vue, un aspect très impressionnant des combats de la saga « Ip Man ».

Si la saga “Ip Man” apparaît donc, à première vue, comme une saga d’action, elle est en réalité bien plus riche que cela. Et s’il est vrai que ses films sont structurés de la même manière avec toujours une division en trois actes et un combat final, elle apporte beaucoup : des valeurs martiales aux leçons de vie en passant par un cours d’histoire et de culture chinoise. En cela, les deux premiers opus, sont pour moi d’excellents films et de grands films d’arts martiaux. « Ip Man 4 » devrait alors conclure cette belle saga avec la venue de Yip Man à San Francisco où son disciple Bruce Lee aurait à faire à la communauté martiale locale …

Raphaël Sallenave

 

Yip Man in movies

If you know Kung Fu from Dreamworks Animation’s Po the Panda, it might be time to dive into the story of one of its greatest masters. Bruce Lee would you tell me? Well no, rather the famous Yip Man, who was none other than Bruce Lee’s master before the latter conquered Hong Kong cinema. For the French release of the film « Ip Man 4 » that we will review this weekend, let’s focus today on the figure of Yip Man who has already been the focus of many films.

Kung Fu generally refers to Chinese martial arts, and Yip Man was a master of Wing Chun, a martial art originating from the south and particularly oriented towards close-quarters combat. He participated in the export of Wing Chun, before his most famous disciple used it on the screen of his numerous movies. He is perhaps the only historical figure whose life or combat has been depicted in a dozen biographical films. If the « Ip Man » quadrilogy (not counting the spin-offs) of the Hong Kong director Wilson Yip is of course the most famous, several other films focus on the figure of Master Yip, such as « Ip Man: The Legend is Born », « The Final Fight », or « The Grandmaster ». This rich corpus allows us to have a rather precise idea of his life, the stages he went through and his teachings.

First of all, of course, there is the « Ip Man » quadrilogy which popularized the story of this great master interpreted here by Donnie Yen, himself a martial artist (who became a must in Hong Kong after the withdrawal of Jackie Chan and Jet Li). If it is true that the saga is not perfectly faithful to Yip’s life, it follows the main stages of his life and builds a plot made of many fights, always with a new challenge to overcome. If this contributes to the spectacle that these films are, the saga also takes advantage of it to teach certain values, especially through invented characters. The life of Yip Man is then full of adventures more or less real, but which give a good idea of the character while making him a true saga hero. The fight scenes are impressive on the one hand for their spectacular side with the use of cables characteristic of Hong Kong cinema, but also for the strong martial mastery of the actors who allow to film in wide shot and thus to enjoy the techniques and sequences of the choreography.

The « Ip Man » is a whole style which refers of course to the films of Bruce Lee (Fist of Fury; Enter the Dragon; Game of Death). They are martial arts films, particularly rich in fighting but they also have the strength of being historical films, films that explore martial and Chinese culture. Teaching values is a very important philosophy in martial arts, and as good martial arts movies, the « Ip Man » films are no exception to the rule. But their historical aspect cannot be neglected either. The first two films especially bring an interesting point of view on major historical eras of Chinese history, namely the war against Japan in 1937 in the first one and the British presence in Hong Kong in the second one. These events are then seen from the perspective of martial arts, how they fit into such particular contexts and what consequences the Chinese values, code of honor, dignity and culture that permeate them may have on the adversity they encounter through Japanese culture, their imperial army and Karate, or the British occupation and their boxing ring.

The « Ip Man » films are not just a long biopic of Yip’s life, it is truly a saga, with recurring characters developed through the installments, different themes, and a progression of the character. If the first two parts also include a major historical evolution, they all evolve in the choreography of the fights. The style is different in each opus because of the context in which the action takes place: Yip’s Kung-Fu confronts Japanese Karate in the first one, then English boxing in the second and finally itself in the third with a Wing Chun vs Wing Chun duel in search of the very roots of this style.

Nevertheless, if the third installment is still imbued with values and includes a very impressive fight in a staircase, the film takes a sharper turn towards the saga. Indeed, many more small fights are scattered throughout the plot, new characters are introduced and then developed in spin-off, the family aspect is much more in-depth and a less developed plot since it is divided into several stories to which Yip is linked, make the third opus a weaker part for me. The historical element to which the plot is linked here, corruption and triads, does not elevate the film into a historical and philosophical lesson like the two previous ones. This saga aspect of the « Ip Man » films is a bit like the American « Rocky » with here a fighting master, symbol of dignity and hero of a people. The Chinese saga, however, insists more on values, and develops a thematic progression from Yip’s survival to the learning of life, through his ability to adapt.

Several other films deal with the life of Yip Man more or less precisely and from different angles. Personally, I find that watching « Ip Man » and « The Grandmaster » not only allows you to be entertained, to experience a show, to be imbued with values and to learn more about Chinese culture while having a clear idea of Yip’s life. Indeed, Won Kar-Wai’s film is on the one hand more biographical, more realistic and tougher than Wilson Yip’s films, and on the other hand it is also broader by not focusing only on Yip. The legacy of the Gong family is thus an important point in the plot, to which Yip is certainly linked, but which therefore leads to the development of other characters to deepen the contextualization and lessons brought by the film. Indeed, the film appears more theoretical than Wilson Yip’s saga, Kung-Fu being much more developed in its values than in its combat.

However, « The Grandmaster » is not devoid of action scenes. The opening scene is proof of this, with a magnificent fight of Yip Man facing multiple attackers in the rain. The fight is particularly aesthetic, just like the whole film, with an important work on the visuals, from the sets to the colors. In general, Wong Kar-Wai’s film is much more cinematic than the « Ip Man » saga, much more beautiful, the shots more sophisticated. But it must be said that the two films do not seek exactly the same goal, some are more action-oriented, while the other seeks the art between cinema and martial arts. Nevertheless, if I have perhaps a slight regret concerning the magnificent fights of « The Grandmaster », it would be that the overall fight, such as the introductory one, may seem less clear with a greater use of cinematographic tools (slow motion, zooms, cables). If it’s true that it’s visually successful, we unfortunately see less of the martial practice of the actors, which is in my opinion a very impressive aspect of the « Ip Man » fights.

The « Ip Man » saga might at first glance seem like an action saga, but it is much richer than that. And if it is true that his films are structured in the same way, always with a division in three acts and a final fight, it brings a lot, from martial values to life lessons as well as a Chinese history and culture lesson. In this respect, the first two installments are for me really great films and excellent martial arts films. « Ip Man 4 » should conclude this beautiful saga with the visit of Yip Man in San Francisco where his disciple Bruce Lee would have to deal with the local martial arts community …

Raphaël Sallenave

 
Ip Man 4
Tatami