Blink Twice
2024
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Premier long-métrage derrière la caméra de Zoë Kravitz, « Blink Twice » est un film qui se veut innovant et éclectique dans sa technique. La réalisatrice joue ainsi beaucoup avec les éclairages et les couleurs, certaines scènes étant d’un blanc immaculé, d’autres d’un bleu nuit, d’autres encore d’un rouge parfois flamboyant. Le montage est lui aussi variable, avec notamment des plans-séquences festifs qui succèdent à des micro-plans furtifs typiques des clips. Ce contraste, que l’on retrouve aussi dans les différents zooms et focus sur les visages, les personnages et les lieux, réussit très bien son objectif : celui de nous troubler.
Car s’il est vrai que l’intrigue traîne un peu en longueur lors de sa première partie, c’est pour instiller un climat de malaise progressif, où les protagonistes comme les spectateurs perdent la notion du temps et de la réalité. Ainsi, nombreuses sont les scènes de rêveries bercées par une récurrente musique hypnotique qui, brusquement, se brisent par l’apparition d’un détail qui dénote : des ongles noircis de terre, une tache de vin qui a disparu, des flashs et des sons qui surprennent… Jusqu’au point de rupture.
Perturbant, « Blink Twice » s’avère insidieux de par la violence qu’il suggère puis expose. C’est l’histoire d’un mensonge, d’une manipulation si pernicieuse qu’elle nous heurte lorsque finalement elle nous explose à la figure. C’est la dénonciation de l’emprise que peuvent avoir des hommes abjects sur des femmes innocentes. C’est le rappel brutal que, pour reprendre les dialogues du film, l’oubli est un cadeau et le pardon n’existe pas. Channing Tatum mais surtout Naomi Ackie brillent ainsi par leurs incarnations des deux faces d’une même infamie que rien ne peut réparer, pas même l’inversion des stigmates.
“If I’m in danger, blink twice”. When Frida meets the wealthy Slater King, it’s love at first sight. The billionaire then invites her to his private island, where life is a party, overflowing with champagne, good food and other illicit substances. But something’s not quite right: it’s all too good to be true…
“Blink Twice” is the first feature directed by Zoë Kravitz, and is both innovative and eclectic technically. The director plays with lighting and color, with some scenes in immaculate white, others in midnight blue, or even in a blazing red. The editing is also versatile, with party uncut shots following sneaky micro-shots typical of music videoclips. This contrast, which is also reflected in the various zooms and focuses on faces, characters and places, succeeds very well in its goal: to unsettle us.
The plot may drag on for a while in the first part, but it builds an atmosphere of gradual unease, in which protagonists and viewers alike lose track of time and reality. There are many scenes of reverie lulled by recurring hypnotic music, which are suddenly shattered by the appearance of a disturbing detail: fingernails blackened with dirt, a wine stain that has disappeared, flashes and sounds that take us by surprise, and so one… right up to the breaking point.
“Blink Twice” is disturbing and insidious in the violence it suggests and then exposes. It’s the story of a lie, of a manipulation so pervasive that it shocks us when it finally hits us in the face. It’s a condemnation of the grip that despicable men can have on innocent women. It’s a brutal reminder that, to quote the film’s dialogue, forgetting is a gift and there’s no such thing as forgiveness. Channing Tatum, but above all Naomi Ackie, shine in their embodiment of the two sides of the same infamy that nothing can repair, not even the reversal of the stigma.