Star Wars Visions
Série d’anthologie / Anthology series
Volume 2
2023
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Après une première saison consacrée aux studios de la japanimation, cette deuxième mouture de « Star Wars Visions » donne carte blanche à une dizaine de studios du monde entier pour raconter leur version de cette galaxie lointaine, très lointaine. Nul besoin ici de chercher une cohérence narrative entre les épisodes ou même d’avoir vu la saison 1 pour apprécier cette saison 2.
L’ensemble fonctionne à la manière d’un recueil de nouvelles. Projet artistique s’il en est, « Visions » donne à voir les infinies possibilités qu’offre la franchise, et notamment la poursuite de projets plus personnels, plus audacieux, dotés d’une voix toute singulière.
L’intérêt de la série réside majoritairement dans la découverte de styles graphiques très affirmés, le format court (18’) imposant de ne pas s’épancher sur le développement des personnages ou l’originalité de l’intrigue, au profit d’une narration visuelle bien souvent captivante.
Les histoires dépeintes par les studios de « Visions » apportent une touche unique à un univers déjà bien riche : chaque épisode est comme une fenêtre fugace sur la vie de personnages que l’on croise à un tournant de leur vie, et qui poursuivront leurs aventures sans nous une fois l’épisode achevé.
Sith – El Guiri
Le studio espagnol nous plonge aux côtés d’une ancienne apprentie Sith menant la paisible vie d’artiste. Bien qu’aucune parole ne soit échangée, la.e spectateur.trice comprend immédiatement que la pratique de la peinture lui sert à exorciser ses démons. Alors que son ancien maître et tortionnaire retrouve sa trace sur une lune déserte, l’ancienne apprentie acculée est forcée de se battre … Le trait libre et ultra-saturé de couleurs électrisantes sert un épisode centré sur la lutte quotidienne d’un personnage en proie aux tourments de son passé. La lutte entre la lumière et l’obscurité semble ne jamais pouvoir être tranchée, un énergique coup de pinceau d’un bleu vif perçant parfois les ténèbres avant d’être englouti à son tour par un furieux aplat de noir.
La caverne des hurlements – Cartoon Saloon
Tal est prête à tout pour quitter son abrutissante vie d’ouvrière. À tout. Même à risquer la vie de ses amis pour accomplir un terrifiant rite initiatique dans une mystérieuse caverne dont on raconte qu’elle abrite une sorcière … Ce conte marie à merveille folklore celtique et vaisseaux spatiaux, décors inspirés de la japanimation et crayonnés européens. La ligne elle-même semble vibrer au son d’une harpe maléfique à mesure que Tal s’enfonce à la rencontre du côté obscur.
Dans les étoiles – Punkrobot
Deux sœurs orphelines luttent pour survivre sur leur monde natal, plongé dans une pénombre perpétuelle par une raffinerie impériale. Alors qu’un simple ravitaillement en eau tourne à la catastrophe, les deux héroïnes saisissent leur chance de reprendre leur destin en main et de pouvoir contempler les cieux de nouveau. Si l’histoire n’a rien de neuf, les caractères bien différents des deux sœurs insufflent une dynamique redoutable à cet épisode. Constitué.e.s de blocs de pâte à modeler, l’animation en simili-Stop motion, les personnages ultra-texturé.e.s de cette fable naïve ont l’optimisme contagieux.
Je suis ta mère – Aardman Animations
Nous avons tous.tes eu honte de nos parents. Le studio à l’origine de « Wallace et Groomit » nous raconte avec un humour déjanté la course folle d’une élève-pilote et de sa mère pour le moins embarrassante dans sa poubelle à réacteurs. Bien que la course ne soit pas des plus haletantes, voir ce studio à l’œuvre dans l’univers Star Wars reste une sympathique idée. Le dénouement donne même le sourire.
Voyage au bout des ténèbres – Studio Mir
Une prêtresse de la force entame une expédition risquée pour tenter de faire pencher la balance en faveur du côté lumineux. C’était sans compter le retour du némésis de son garde du corps, un Jedi ténébreux qui flirte dangereusement avec son côté obscur. Le rythme est soutenu, les décors épiques et les designs intéressants, mais les personnages manquent du relief nécessaire pour accrocher la.e spectateur.trice.
L’espionne qui dansait – La Cachette
Cocorico, un studio français à la barre ! Cet épisode à l’ambiance étouffante mêle clins d’œil à Blade Runner et Art nouveau dans une intrigue qui fait écho à la vie de Mata Hari. Un danseuse aérienne fatiguée de jouer son numéro pour les troopers impériaux décide de passer à l’action lorsque la présence d’un certain officier attire son regard. Se pourrait-il qu’il s’agisse du même officier qui lui a ravi son fils ? Cédant à son désir de vengeance, elle se précipite le plan savamment orchestré de sa troupe de rebelles. Le trait fluide et gracile met en valeur toute la science du mouvement déployée dans cet épisode de haut-vol. Tout, des décors aux costumes, est pensé pour servir un twist démoniaque digne des plus grands romans d’espionnage.
Les bandits de Golak – 88 pictures
Un frère et sa jeune sœur sensible à la force cherchent désespérément un refuge loin d’un inquisiteur impérial. Leur chemin les mène aux confins du désert, dans un repère de crapules et de marchands. Mais même à l’endroit le plus reculé de leur planète, personne n’est à l’abri des limiers de l’empereur … Les combats ultra chorégraphiés dépeints dans un style réaliste un peu lisse sont exécutés avec brio. L’histoire est touchante, le dénouement déchirant.
Le trou – D’art Shtajio et Lucasfilm LTD
Un groupe de prisonniers est laissé pour mort au fond d’une mine de cristaux Kyber. Dans sa tentative d’aller chercher de l’aide, Crux se rend compte que la difficulté ne réside pas dans l’ascension hors du puit … mais bien dans la capacité qu’il aura à convaincre les citoyens impériaux de ne pas fermer les yeux sur les souffrances infligées à leurs semblables. Un dessin japonisant, peut-être le plus classique de tous, sert efficacement le rythme de cet épisode. Le sens de la pose permet de mieux apprécier l’oscillation perpétuelle entre espoir et abattement des personnages. Des tableaux riches, fourmillant de détails, nourrissent le regard en attendant la conclusion d’une histoire qui force à l’introspection.
La chanson d’Aau – Triggerfish
Les créatures laineuses et décidées de cette aventure connaissent les montagnes volantes de leur planète comme leur poche. Planète qu’elles n’ont d’ailleurs jamais quittée. La fille d’un mineur de Crystal Kyber aux étranges pouvoirs suit, au mépris de la mise en garde paternelle, une voix sirupeuse jusqu’au cœur d’une riche veine. Son chant entre alors en résonance avec le cœur de sa planète, combattant l’influence millénaire du Sith qui l’avait corrompu … La douceur communiquée par ces peluches invite au calme. Et même si ces montagnes en apparence paisibles abritent un mal ancien, la majesté avec laquelle elles sont dessinées n’est en rien entamée.
La richesse de « Star Wars Visions », et notamment de cette deuxième saison, honore un univers qui n’a pas son pareil pour faire naître en nous l’émerveillement. Bien que l’intérêt porté aux épisodes varie selon le style de dessin et de narration, il est agréable de constater que Disney permet à un espace de création aussi libre et qualitatif d’exister dans son giron.
After a first season devoted to Japanimation studios, this second volume of “Star Wars Visions” gives carte blanche to ten studios from all over the world to tell their version of this galaxy far, far away. There’s no need to look for narrative coherence between episodes, or even to have seen season 1 to appreciate season 2.
The whole thing works like a collection of short stories. As an artistic project if ever there was one, “Visions” shows the infinite possibilities offered by the franchise, and in particular the pursuit of more personal, more daring projects with their own singular voices.
Most of the series’ interest lies in the discovery of highly distinctive graphic styles, with the short format (18′) keeping character development and plot originality to a minimum, in favor of an often-captivating visual narrative.
The stories depicted by the “Visions” studios add a unique touch to an already rich universe: each episode is like a fleeting window on the lives of characters we meet at a turning point in their lives, and who will continue their adventures without us once the episode is over.
Sith – El Guiri Studios
The Spanish studio takes us alongside a former Sith apprentice who enjoys the peaceful life of an artist. Although no words are exchanged, the viewer immediately understands that the practice of painting serves to exorcise her demons. As her former master and torturer tracks her down on a deserted moon, the cornered former apprentice is forced to fight back… The free, ultra-saturated brushstrokes and electrifying colors drive an episode centered on the daily struggle of a character prey to the torments of her past. The struggle between light and darkness seems never-ending, with an energetic brushstroke of bright blue occasionally piercing the darkness, only to be swallowed up in turn by a furious flood of black.
Screecher’s Reach – Cartoon Saloon
Tal will do anything to leave her mind-numbing working-class life behind. She’ll do anything. Even risk the lives of her friends to perform a terrifying initiation rite in a mysterious cave rumored to house a witch… This tale marries Celtic folklore and spaceships, japanimation-inspired settings and European drawings. The line itself seems to vibrate to the sound of an evil harp as Tal sinks deeper and deeper into the dark side.
In the stars – Punkrobot
Two orphaned sisters struggle to survive on their home world, shrouded in perpetual darkness by an imperial refinery. When a simple water supply turns into a catastrophe, the two heroines seize their chance to take control of their destiny and contemplate the heavens once again. There’s nothing new in the story, but the two sisters’ very different characters give this episode a powerful dynamic. Made of blocks of modeling clay and animated in mock-stop motion, the ultra-textured characters in this naïve fable are contagiously optimistic.
I am your mother – Aardman Animations
We’ve all been ashamed of our parents. From the studio behind “Wallace and Groomit” comes a wackily tale of a student pilot’s mad dash with her embarrassing mother in her jet-powered garbage can. Although the race isn’t the most breathtaking, seeing this studio at work in the Star Wars universe is a nice touch. The ending even puts a smile on your face.
Journey to the Dark Head – Studio Mir
A priestess of the force embarks on a risky expedition in an attempt to tip the balance in favor of the light side. But her bodyguard’s nemesis returns, a dark Jedi who flirts dangerously with his dark side. The pace is brisk, the scenery epic and the designs interesting, but the characters lack the necessary depth to hook the viewer.
The Spy Dancer – Studio La Cachette
Hooray! A French studio at the helm! This stiflingly atmospheric episode blends nods to Blade Runner and Art Nouveau in a plot that echoes the life of Mata Hari. An aerial dancer tired of performing for imperial troopers decides to take action when the presence of a certain officer catches her eye. Could it be the same officer who took her son away from her? Giving in to her desire for revenge, she rushes ahead with her rebel troop’s carefully orchestrated plan. The fluid, graceful lines highlight the mastery of movement deployed in this high-flying episode. Everything, from the sets to the costumes, is designed to serve up a demonic twist worthy of the greatest spy novels.
The Bandits of Golak – 88 pictures
A brother and his force-sensitive younger sister desperately seek refuge from an imperial inquisitor. Their path leads them to the edge of the desert, to a den of scoundrels and merchants. But even in the most remote corner of their planet, no one is safe from the Emperor’s bloodhounds… The ultra-choreographed battles, depicted in a somewhat slick, realistic style, are brilliantly executed. The story is touching, the denouement heartbreaking.
The Pit – D’Art Shtajio and Lucasfilm Ltd
A group of prisoners are left for dead at the bottom of a Kyber crystal mine. In his attempt to get help, Crux realizes that the difficulty lies not in climbing out of the pit … but in convincing Imperial citizens not to turn a blind eye to the suffering inflicted on their fellow human beings. A Japanese-style drawing, perhaps the most traditional of all, effectively sets the pace for this episode. The sense of pose allows us to better appreciate the characters’ perpetual oscillation between hope and despair. The richly detailed pictures fuel our eyes as we look forward to the conclusion of a story that compels us to introspect.
Aau’s song – Triggerfish
The woolly, determined creatures of this adventure know their planet’s flying mountains like the back of their hand. A planet they have never left. The daughter of a Crystal Kyber miner with strange powers follows, in defiance of her father’s warning, a syrupy voice into the heart of a rich vein. Her song resonates with the heart of her planet, fighting the age-old influence of the Sith who had corrupted it… The softness imparted by these cuddly toys invites calm. And even if these seemingly peaceful mountains harbor an ancient evil, the majesty with which they are drawn is in no way diminished.
The sheer richness of “Star Wars Visions”, and in particular of this second season, pays tribute to a universe that has no equal when it comes to awakening our sense of wonder. Although interest in the episodes varies according to drawing and storytelling styles, it’s nice to see that Disney allows such a free, high-quality creative space to exist within its fold.