Rsg Production

Love Life

 
Rabu Raifu – ラブライフ
 

2023

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« Quelle que soit la distance qui nous sépare, rien ne peut m’empêcher de t’aimer » chante Akiko Yano dans sa chanson éponyme ayant inspiré le titre du nouveau film de Kōji Fukada présenté à la Mostra de Venise et aux festivals internationaux de Toronto et Busan en 2022. Le brillant cinéaste japonais nous livre un mélodrame familial très fort où l’amour est partagé entre proximité, intimité, et distance.

“Love Life” est le portrait d’un personnage féminin qui vit avec son mari et son fils dans un petit appartement où entre les photos et les trophées, les étapes de vie occupent l’espace d’un couple heureux et amoureux. Taeko vit en face, à portée de voix, de ses beaux-parents et des autres protagonistes créant presque une unité de lieu théâtrale. Mais lorsqu’une fête d’anniversaire tourne mal, le scénariste et réalisateur – récompensé à Cannes en 2016 – opère un revers scénaristique sidérant.

Le registre du drame rencontre parfois la comédie pudique et parfois le thriller dans ce film franco-japonais délicat et émouvant qui séduit par sa puissance formelle et narrative. Kōji Fukada sait dire beaucoup avec très peu tant le silence devient la seule façon d’exprimer ses sentiments dans ce récit qui laisse d’autant plus sans voix que le mutisme d’un personnage oblige à s’exprimer autrement. Taeko et Park renouent ainsi des liens parce qu’ils partagent une émotion commune mais aussi un moyen de communication – la langue des signes coréenne – excluant de fait les autres et devenant ainsi en quelque sorte leur propre langue commune, la leur. Le recueillement laisse alors place au gré de l’intrigue au silence de la langue des signes et laisse les expressions faciales impassibles de Taeko (Fumino Kimura) tout dire.

La caméra pudique de Kōji Fukada met en scène les interactions familiales, leur froideur (avec le beau-père) et leur douceur (avec la belle-mère), et le refoulement généralisé des émotions au Japon. Le jeu d’Othello nourrit par ailleurs la trame du récit entre sa partie inachevée et ses faces claires et obscures comme lors d’une scène de séisme faisant trembler une âme encore présente. Les longs plans-séquence parfois fixes et souvent en intérieur nous laissent vivre la scène avec les personnages, à leur rythme, comme un interminable travelling-avant dans la salle de bain ou ce même plan qui ouvre et ferme le film avec un changement qui crève l’écran.

Il poursuit avec “Love Life” sa filmographie de l’imprévu où ses scenarii épousent la forme de nos vies, faites de détours et parfois de sorties de routes au gré d’aléas qui surprennent autant les spectateurs que ses personnages. Il restitue ainsi la réalité d’un monde libéré des contraintes du récit. L’imprévisibilité de l’existence finit toujours par percuter ses personnages, le hasard leur offrant alors la possibilité de se révéler à eux-mêmes.

Raphaël Sallenave
 

« No matter how far apart we are, nothing can stop me from loving you » sings Akiko Yano in her song of the same name that inspired the title of Kōji Fukada’s new film, which opened at the Venice, Toronto, and Busan International Film Festivals in 2022. The brilliant Japanese filmmaker delivers a powerful family drama in which love is shared between closeness, intimacy and remoteness.

“Love Life” is the portrait of a female character who lives with her husband and her son in a small apartment where, among photos and trophies, the milestones of life fill the space of a happy and loving couple. Taeko lives across the street, within earshot, of her parents-in-law and the other protagonists, creating an almost theatrical unity of place. But when a birthday party goes awry, the writer-director – awarded at Cannes in 2016 – pulls off a jaw-dropping plot turnaround.

The dramatic nature of this delicate and moving Japanese-French film meets at times soft comedy and at others thriller, captivating viewers with its technical and narrative appeal. Kōji Fukada knows how to say a lot with very little, so much so that silence becomes the only way to express one’s feelings in this tale that leaves one all the more speechless as a character’s muteness compels expression in other ways. Taeko and Park rekindle their bond because they share a common emotion, but also a means of communication – Korean sign language – that excludes others and becomes, in a way, their shared language, their very own. Recollection thus flows along with the plot in the silence of sign language and leaves Taeko’s (Fumino Kimura) impassive facial expressions say it all.

Kōji Fukada’s subtle camerawork highlights family interactions, their stiffness (with the father-in-law) and tenderness (with the mother-in-law), and the widespread repression of emotions in Japan. Meanwhile, the game of Othello drives the narrative between its unfinished game and its white and black sides, as in an earthquake scene that shakes a lingering soul. The long sequence shots, sometimes still and often indoors, let us experience the scenes with the characters, at their pace, like the endless tracking shot in the bathroom, or the same shot that opens and closes the film with an overwhelming contrast.

With “Love Life”, he carries on his filmography of the unforeseen, in which his screenplays embrace the shape of our lives, made up of detours and sometimes off-road turns at the whim of hazards that surprise the audience as much as his characters. In doing so, he recreates the reality of a world freed from the constraints of narrative. The unpredictability of existence always ends up colliding with his characters, allowing them to find their true selves.

Raphaël Sallenave
A Man
L'Innocence