Sabotage
How to blow up a pipeline
Best Editing – Spirit
2023
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“Le capitalisme fossile nous conduit à toute vitesse vers le précipice. Quelqu’un doit tirer le frein d’urgence. Si les gouvernements ne le font pas, le reste d’entre nous le fera.” déclarait l’universitaire suédois Andreas Malm en juin dernier. Son manifeste publié trois ans plus tôt souligne la récurrence de la dégradation des biens dans les différents mouvements de justice sociale dans l’Histoire et interroge la nécessité de la destruction d’infrastructures pour renoncer aux combustibles fossiles et préserver la civilisation humaine dans la mesure où le changement climatique est devenu une menace existentielle pour nos sociétés. En reprenant le titre original de l’ouvrage, Daniel Goldhaber confronte les idées abstraites de l’essai politique au langage cinématographique d’Hollywood dans un thriller nerveux et haletant.
Présenté au festival international de Toronto en 2022, « Sabotage » crée ainsi une intrigue autour du sujet dont il est inspiré à mi-chemin entre le western et le film de braquage. Signant ici son second long-métrage (après le film d’horreur psychologique « Cam »), le réalisateur américain insuffle une urgence inquiétante et maintient un suspense constant dans ce film d’action à portée politique aux airs, comme il le dit lui-même, d’un “Ocean’s 11 écoterroriste” construit en flash-backs “clairement inspirés de Reservoir Dogs”.
Son équipe de braqueurs se compose elle de huit personnages hétéroclites formidablement interprétés par une troupe de jeunes comédiens dont certains ont participé à l’écriture et à la production du film. Daniel Goldhaber nous embarque au cœur de ce groupe d’éco-activistes dans une mise en scène ultraréaliste renforcée par la photographie agitée de Tehillah De Castro (dont c’est le premier film) sur une pellicule 16mm, et une atmosphère tendue évoquée par la musique de Gavin Brivik. C’est un thriller particulièrement bien écrit et monté qui entretient un formidable suspense grâce à sa narration non-linéaire, son chapitrage, et ses retournements de situation jouant avec les nerfs du spectateur. Mais le film joue sur deux tableaux et ajoute à son suspense, une question de société.
C’est un film militant qui fait état d’une jeunesse engagée où il n’y a pas de véritable leader et la diversité des individus en dit long sur l’universalité du problème. Les activistes se distinguent en effet aussi bien par leurs origines géographiques qu’ethniques ou sociales, et les raisons de leur passage à l’acte. Mais malgré leurs différents profils, ils convergent tous vers cette lutte collective.
Désobéir pour ne pas périr … Par sa dimension subversive, le scénario interroge le spectateur dans la mesure où il ne cherche pas à le convaincre ou à l’émouvoir, l’enjeu étant de montrer qu’il n’y a plus le temps pour le dialogue et que l’heure est à l’action. Il ne revient donc absolument ni sur les excès du capitalisme et la destruction généralisée de la planète ni sur le minutieux et complexe plan établi par les personnages, mais explore plutôt la complexité morale de l’acte qu’il qualifie lui-même de ‘terroriste’ bien que ses protagonistes mettent un point d’honneur à ne détruire que des infrastructures.
Mais « Sabotage » s’impose plus comme un film sur l’acte lui-même que sur l’impact puisqu’il n’impose pas son intrigue et la radicalité de ses personnages comme solution unique, il montre simplement une voie où celles-ci pourraient l’être mais laisse le spectateur libre d’imaginer les conséquences de ces actes (contrairement au film « Night Moves » de Kelly Reichardt sorti il y a près de dix ans).
Film indépendant encore en salles en France et déjà disponible sur Netflix (USA & UK), « Sabotage » est une œuvre osée qui réussit à équilibrer les enjeux politiques et théoriques avec une narration captivante et émouvante. Quand le cinéma de divertissement porte un discours politique invitant à la réflexion …
« Fossil capitalism is driving us at full speed towards the precipice. Someone has to pull the emergency brake. If governments don’t, the rest of us will », declared Swedish academic Andreas Malm last June. His manifesto, published three years earlier, highlights the recurrence of property destruction in every social justice movement in history, and questions whether or not it is necessary to move away from fossil fuels and preserve human civilization, given that climate change has become an existential threat to our societies. Using the book’s original title, Daniel Goldhaber adapts the abstract ideas of the political essay with the cinematic language of Hollywood in a nervy, breathless thriller.
Presented at the Toronto International Film Festival in 2022, “How to blow up a pipeline” builds a plot around this subject, halfway between a Western and a heist film. In his second feature film (after the psychological horror movie « Cam »), the American director infuses a worrying sense of urgency and constant suspense into this politically-charged action film, which, as he describes it himself, feels like an « ecoterrorist Ocean’s 11 » built around flashbacks « clearly inspired by Reservoir Dogs ».
His team of heists is made up of eight diverse characters, wonderfully portrayed by a cast of young actors, some of whom helped write and produce the film. Daniel Goldhaber takes us into the heart of this group of eco-activists in an ultra-realistic staging enhanced by Tehillah De Castro’s (debut feature) restless cinematography on 16mm film, and a tense atmosphere conveyed by Gavin Brivik’s music. It’s a particularly well-written and edited thriller that builds tremendous suspense thanks to its non-linear narration, chaptering and plot twists that test the viewer’s nerves. But the film works on two levels, adding to its suspense a social issue.
It’s an activist movie about a youth movement in which there is no real leader, and the diversity of the individuals involved speaks volumes about the universality of the issue. The activists differ in their geographical, ethnic and social origins, and in their motivations to act. But despite their different profiles, they all converge in this collective struggle.
Disobeying to avoid dying… With its subversive dimension, the screenplay questions the viewer insofar as it does not seek to convince or move them, the challenge being to show that there is no more time for dialogue and that the time for action has come. Instead, it probes the moral complexity of the act, which it itself calls ‘terrorist’, even though its protagonists make a point of destroying only infrastructure.
But “How to blow up a pipeline” stands out more as a film about the act itself rather than the impact, since it doesn’t force its plot and the radicality of its characters as the only solution; it simply shows a path where these could be, but leaves the viewer free to speculate on the outcomes of these actions (unlike Kelly Reichardt’s “Night Moves” released nearly ten years ago).
This independent film, still in theaters in France and already available on Netflix (US & UK), is a daring piece of cinema that manages to balance political and theoretical issues with a captivating and moving narrative. When entertainment movies carry a thought-provoking political statement …