Gueules Noires
(The Deep Dark)
2023
FR EN
« Tu sais comment on nous appelle, nous les mineurs ? Les gueules noires. Parce qu’une fois en bas, on a tous la même couleur : celle du charbon. » Et de l’obscurité. Cette obscurité des entrailles de la terre que creusent les héros de ce film réalisé par Mathieu Turi. En 1956, dans le nord de la France, des mineurs descendent à près de mille mètres de profondeur au service d’un chercheur désireux de faire des prélèvements. Mais parmi les veines carbonées et autres cavités, ces hommes vont faire d’étranges découvertes…
Bénéficiant d’un préalable et complet travail de recherche, « Gueules noires » s’apparente dans son premier tiers à un documentaire immersif, où l’on suit le regard initié d’Amir, jeune Marocain en quête d’une vie meilleure en France, tout juste recruté dans un groupe de mineurs issus des diverses vagues d’immigration. Progressivement, l’on s’imprègne de la promiscuité des souterrains, de l’oppression des boyaux, pour mieux y trouver un malaise grandissant et une peur qui se substitue à la curiosité, surtout après le constat que les lieux sont hantés, voire habités…
Visuellement, le film présente une photographie et un éclairage savamment travaillés, où les lampes en constant mouvement se perdent dans les abîmes d’une obscurité angoissante, ce qui met efficacement en valeur les décors pourtant simples mais réels – le tournage ayant eu lieu dans de véritables mines et une église monolithique. La musique d’Olivier Derivière (dont c’est le premier travail cinématographique) accompagne et rehausse cette tension générale qui crispe les personnages et augmente le mystère autour de l’univers qu’ils explorent.
Inspiré d’ailleurs de l’œuvre lovecraftienne et d’« Alien », « Gueules noires » flirte aussi avec un ésotérisme horrifique affiché, incarné par un monstre osseux conçu par l’artiste Keisuke Yoneyama. Avec peu d’effets spéciaux, donc, le film marie réalisme et fantastique dans ces ténèbres humaines, sources de rêves et de cauchemars. Innovant dans sa forme (quoique classique dans sa trame), « Gueules noires » constitue un hommage aux mineurs et aux peurs qu’ils ont nourries et accumulées des décennies durant, ici-bas.
Axel Chevalier
« Do you know what we miners are called? Black faces. Because once we get down there, we’re all the same color: coal’s. » And the darkness. The darkness of the bowels of the earth that the heroes of this film, directed by Mathieu Turi, dig. In 1956, in the north of France, miners descend to a depth of almost a thousand meters, working for a scientist who wants to take samples. But among the carbon veins and other cavities, these men are about to make some strange discoveries…
Drawing on extensive background research, the first third of “The Deep Dark” (litteraly in French “Black faces”) resembles an immersive documentary, as we follow Amir, a young Moroccan in search of a better life in France, who has just been recruited into a group of miners from various waves of immigration. Gradually, we are drawn into the promiscuity of the underground, the oppression of the bowels, only to find a growing sense of unease and fear replacing curiosity, especially once we realize that the places are haunted, even living…
Visually, the film’s photography and lighting are skilfully crafted, with constantly moving lights lost in the abyss of eerie darkness, effectively highlighting the simple yet real sets – filming took place in real mines and a monolithic church. The music by Olivier Derivière (whose first film score it is) adds to and enhances the general tension that grips the characters and increases the mystery surrounding the universe they are exploring.
Inspired by Lovecraftian works and “Alien”, “The Deep Dark” also flirts with a horrific esotericism, embodied by a bony monster designed by artist Keisuke Yoneyama. With few special effects, then, the film marries realism and fantasy in this human darkness, a source of dreams and nightmares. Innovative in form (though classic in plot), “The Deep Dark” is a tribute to miners and the fears they have nurtured and accumulated over the decades down here.
Axel Chevalier