Rsg Production

Lire Lolita à Téhéran

 
Reading Lolita in Tehran
 

2025

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« La lecture est une amitié » – Marcel Proust

La Révolution iranienne de 1979 fut un soulèvement populaire contre le régime du Shah, soutenu par l’Occident, notamment porté par des promesses sociales poussant une partie de la diaspora à retourner sur ses terres natales. Mais ce mouvement dominé par des forces religieuses dirigées par l’Ayatollah Khomeini aboutit finalement à un régime théocratique – Surprise ! – qui vit la situation des femmes se dégrader progressivement et leurs libertés restreintes.

Confrontée à l’imposition du voile, à la censure et à la répression, une professeure de littérature anglaise à l’université de Téhéran qui vient de retourner au pays, va alors organiser secrètement un club de lecture avec six de ses étudiantes pour y lire des classiques de la littérature occidentale interdits par le régime. Lorsque ces femmes se retrouvent, elles retirent leur voile, trouvent des échos à leur situation et des outils de résistance dans ces dangereux ‘brûlots’, et discutent non seulement de leurs angoisses et peurs mais aussi de leurs espoirs et amours. Pour elles, lire « Lolita » de Vladimir Nabokov ou « Orgueil et Préjugés » de Jane Austen c’est célébrer le pouvoir de la littérature, et c’est résister à leur manière, comme une forme de clandestinité.

D’après le roman autobiographique d’Azar Nafisi, « Lire Lolita à Téhéran » est une fresque féminine engagée qui mêle sur trois décennies des relations humaines à des enjeux politiques et raconte comment le régime des Mollahs cherche à contrôler la culture, les idées et la liberté d’expression. Il met en lumière la littérature comme acte de résistance – et en particulier pour les femmes – en explorant la relation entre la réalité politique et sociale du pays et les formes de résistance aux codes en vigueur en Occident à travers certaines figures féminines de l’affranchissement. C’est un fervent hommage à toutes celles qui, d’hier à aujourd’hui, ont refusé de se soumettre, porté par l’actrice et chanteuse Golshifteh Farahani (Mensonges d’Etat ; A Propos d’Elly) aux côtés notamment de l’actrice et réalisatrice Zar Amir Ebrahimi (Les Nuits de Mashhad ; Tatami).

C’est un film sur un personnage féminin auquel toute femme occidentale va s’identifier, à qui tous les droits sont retirés les uns après les autres de manière insoutenable. Mais si le sujet est en effet fort et très important – d’autant qu’il résonne aujourd’hui avec le mouvement ‘Femme, Vie, Liberté’ en Iran – c’est un film tourné en Italie avec une troupe de comédiennes toutes exilées (et courageuses, certes) mais avant tout destiné au public occidental qui souligne énormément son propos et manque cruellement d’une subtilité qui a fait la richesse du cinéma iranien. Tourné par le réalisateur israélien Eran Riklis, c’est finalement un témoignage pétri de bons sentiments mais qui n’en fait pas un bon film avec une mise en scène assez neutre, des dialogues particulièrement explicatifs, et des personnages réduits à une unique idée ou position sans vrai développement.

Par ailleurs, s’il y a bien une scène dans chaque chapitre qui fait un parallèle de qualité entre le livre étudié et la situation sociale iranienne, le chapitrage où les titres des classiques de la littérature se substituent aux étapes de la vie de la protagoniste, n’apporte finalement pas grand-chose et survole son contexte historique (notamment la guerre d’Irak et son désastre social sur la jeunesse). « Lire Lolita à Téhéran » a donc le mérite d’étaler des faits historiques essentiels à souligner, mais souffre d’une structure elliptique, d’un scénario didactique et d’un message convenu – l’on découvre en 2025 que les femmes sont opprimées en Iran depuis 45 ans – qui le rend au final et malheureusement un peu ennuyeux. Dommage.

Raphaël Sallenave

 

“Reading is friendship” – Marcel Proust

The Iranian Revolution of 1979 was a popular uprising against the Shah’s regime, backed by the West, and driven in particular by social commitments that prompted part of the diaspora to return to their homeland. But this movement, dominated by religious forces led by Ayatollah Khomeini, ultimately brought forth a theocratic regime – surprise! – which saw the status of women progressively decline and their liberties restricted.

Confronted with the imposition of the veil, censorship and repression, a recently returning professor of English literature at Tehran University secretly organizes a book club with six of her female students to read Western classics banned by the regime. When the women get together, they remove their veils, find echoes of their situation and tools of resistance in these dangerous books, and discuss not only their anxieties and fears, but also their hopes and passions. For them, reading Vladimir Nabokov’s “Lolita” or Jane Austen’s “Pride and Prejudice” is to celebrate the power of literature, and to resist in their own way, as a form of clandestinity.

Based on Azar Nafisi’s autobiographical novel, “Reading Lolita in Teheran” is a committed women’s portrait that blends human relationships with political issues over three decades, and tells the story of how the regime of the Mullahs seeks to control culture, ideas and freedom of expression. It highlights literature as an act of resistance – particularly for women – exploring the relationship between the country’s political and social reality and the various forms of resistance to Western codes through certain female figures of emancipation. It’s a fervent tribute to all those who, from yesterday to today, have refused to submit, led by actress and singer Golshifteh Farahani (Bodies of Lies; About Elly) alongside actress and director Zar Amir Ebrahimi (Holy Spider; Tatami).

It’s a film about a female character that every Western woman will identify with, whose rights are being unbearably taken away one after the other. But while the subject matter is indeed strong and important – especially as it resonates today with the ‘Woman, Life, Freedom’ movement in Iran – this film, shot in Italy with a cast of actresses, all exiled (and brave, for sure) but primarily aimed at Western audiences, overemphasizes its subject matter and sorely lacks the subtlety that has made Iranian cinema so vibrant. Shot by Israeli director Eran Riklis, it’s a testimony full of noble intentions, but that doesn’t make it a good film, with fairly indifferent direction, particularly expository dialogue, and characters reduced to a single idea or stance with no real development.

Moreover, while there is a scene in each chapter that draws a meaningful parallel between the book studied and the social situation in Iran, the chaptering, in which the titles of classic works of literature are substituted for the stages in the protagonist’s life, ultimately adds little and overlooks its historical context (notably the Iraq war and its social disaster for young people). “Reading Lolita in Teheran” therefore does lay out essential historical facts, but suffers from an elliptical structure, a didactic script and an obvious message – we discover in 2025 that women have been oppressed in Iran for 45 years – which makes it ultimately and unfortunately a little boring. Too bad.

Raphaël Sallenave

Les Nuits de Mashhad
Leila et ses frères