Foundation
[TV]
Saison / Season 1
[Dossier]
Outstanding Visual Effects in a Photoreal episode & Outstanding Effects Simulation in an episode – VESA
2021
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« La quête de sens n’est pas toujours celle de la réponse ! »
L’année 2021 semble être celle des adaptations des classiques de la science-fiction. En effet, après l’excellent « Dune » de Denis Villeneuve achevant une série de tentatives infructueuses d’adaptation de l’œuvre de Frank Herbert, c’est au tour du « Cycle de Fondation » d’Isaac Asimov écrit dans les années 1940 d’être enfin adapté. Après plusieurs projets dans les années 2000, c’est finalement Apple qui emporte le marché et sort fin septembre une série de 10 épisodes venant entamer cette saga millénaire. L’histoire se situe dans une galaxie où un Empire centenaire règne grâce à un héritage cloné permettant un pouvoir inégalé. Mais quand Hari Seldon, un professeur de psychohistoire, prédit la chute de l’Empire, il est envoyé avec ses fidèles aux confins de la galaxie pour y bâtir la Fondation destinée à la préservation du savoir de la civilisation en cas de destruction et dans l’espoir d’une reconstruction future.
« Une chance répétitive n’est jamais de la chance »
Avant de rentrer plus dans le détail de cette série très riche, sans toutefois spoiler quoi que ce soit, il est important d’annoncer la couleur directement avec un avis très général et globalement très positif. Bénéficiant d’un gros budget pour une série et en particulier pour une première saison, « Foundation » nous met tout d’abord une claque visuelle. Les plans sont magnifiques et nous transportent dans divers univers, des salles closes du palais impérial riche en couleurs et en symétrie aux scènes sur la planète Terminus aux confins de la galaxie dans un désert de sel, en passant par plusieurs scènes spatiales splendides de l’ordre de longs-métrages des plus grosses sagas de SF.
Mais l’esthétique ne fait pas tout, et « Foundation » ne brille pas que par sa forme mais bien aussi par son fond abordant des thèmes intéressants développés en profondeur sans précipitation. La construction de la série en tant que telle est également engageante avec de bons cliffhangers à la fin des épisodes et d’excellents derniers épisodes. Le seul bémol de la série serait son rythme bien plus lent que les séries actuelles et son manque de mordant dans les relations entre ses personnages quand elle se concentre plus sur des enjeux galactiques et éthiques mais au vu du texte original, on ne peut reprocher cela à une adaptation du texte d’Asimov.
« Toutes les choses ont un cycle. Après la destruction, la renaissance. La connaissance nous donne les moyens de survivre à la destruction jusqu’à ce que la renaissance arrive »
En effet il apparaît très difficile d’adapter cette œuvre comme l’explique David S. Goyer au Hollywood Reporter “Il y a trois aspects retors qui, je pense, ont fait couler les autres adaptations : le premier est que l’histoire s’étend sur 1 000 ans, avec pas mal de sauts dans le temps, ce qui complique la narration. Le deuxième, c’est que les livres empruntent parfois une forme anthologique, avec des parenthèses centrées sur un personnage en particulier, comme Salvor Hardin, puis on fait des sauts d’un siècle dans le temps pour se retrouver avec un tout nouveau protagoniste. Le troisième, enfin, c’est que les romans ne sont pas vraiment chargés émotionnellement”. La série créée et écrite par David S. Goyer (The Dark Knight) et Josh Friedman (Snowpiercer) s’attelle donc à rattraper le manque d’engagement émotionnel des romans et réussit globalement sa mission même si l’on ne peut s’empêcher de noter qu’on n’est pas totalement pris aux tripes par les relations entre les personnages. Mais il est important de souligner à cet égard, que la série met en scène une structure inhabituelle sautant régulièrement des années voire des siècles ce qui ne facilite pas l’attachement aux personnages même si elle parvient tout de même à trouver des moyens pour créer une certaine récurrence des personnages comme avec l’Empereur qui est en fait un triumvirat de trois clones à différents âges installant ainsi une certaine stabilité dans la galaxie mais aussi dans notre visionnage.
« Ce n’est pas de l’amour si on ne souffre pas »
Dès le premier épisode on comprend qu’il est en effet question avant tout d’enjeux galactiques, de mathématiques prédictives et du sort de sociétés entières. Mais dès le second, la série introduit une romance, une enquête et un secret soit une trame émotionnelle, un suspense et un mystère permettant d’accrocher le spectateur. Donc malgré des thèmes très larges et une histoire étalée sur plusieurs siècles, « Foundation » réussit à se concentrer sur des personnages et des intrigues resserrées sans se perdre dans l’immensité de sa galaxie. Cela passe notamment par la narration du personnage de Gaal qui n’est pas linéaire. Son personnage agit certes de manière chronologique mais la narration qu’elle fait du récit est quant à elle intemporelle et omnisciente. Mais si ce ne sont donc pas forcément les relations qui captivent le spectateur, c’est parce que la série met surtout en valeur la puissance des idées.
« Les maths ne sont jamais que des chiffres. Quand les mots nous manquent, les maths nous décrivent l’inexprimable. Les choses qui nous terrifient le plus. L’immensité de l’espace, la forme du temps, le poids et la valeur d’une âme humaine »
« Foundation » c’est en effet un conte à la gloire de la science et de la réflexion progressiste face à l’oppression des puissants cyclisés. La série aborde plusieurs thèmes d’abord de manière générale pour venir ensuite les nuancer avec des opinions divergentes ou des variations modifiant le cycle habituel comme avec les clones Cléon qui sont tous similaires en apparence et en compétences mais qui interprètent néanmoins chacun à sa manière les événements qu’ils vivent. La question sous-jacente ici est ainsi ira-t-on jusqu’à se retrouver face à un clone réellement différent ? Mais la série aborde également le thème de la robotisation et du dépassement de la machine à travers la question de l’âme des machines et du vide des humains. Elle questionne encore les modèles prédictifs de plus en plus répandus pour de nombreux usages aujourd’hui. Et comme toute bonne SF, elle traite donc de thèmes qui résonnent avec notre présent. Mais elle emprunte également aux mythes avec un récit s’approchant du biblique par moments.
« La violence est le dernier refuge des incompétents »
La religion est également présente au sein même de l’intrigue avec un parallèle paradoxal entre science et religion dans la mesure où l’Empire cherche à tout prix à éviter de faire du professeur Seldon un martyr. A travers l’exil vers Terminus, les adeptes de la science qu’est la psychohistoire et qui se devaient d’être des « fondateurs » deviennent finalement des révolutionnaires portés par une unique croyance. Le mathématicien devient alors prophète et ce qui est propre à la science devient aux yeux de certains une véritable religion méritant de se battre pour en protéger la croyance conciliant ainsi les deux piliers opposés par le positivisme d’auteurs tel qu’Auguste Comte. Le Radiant Prime, objet essentiel à l’intrigue, peut ainsi être vu sous l’angle des Religions du Livre.
« Il faut plus de force pour bâtir que pour brûler »
Le pitch de Goyer à Apple pour décrire la série était le suivant : “c’est une partie d’échecs entre Hari Seldon et l’Empire, qui dure mille ans. Tous les autres personnages sont des pions, mais certains d’entre eux deviendront rois ou reines au cours de la saga”. « Foundation » s’impose donc comme une épopée SF mêlant conte prophétique et fable géopolitique et spirituelle, le tout sur fond de thriller galactique.
Toutefois, si elle peut être dense, il faut souligner que le suspense de son intrigue est très bien mené avec de nombreux retournements de situation ainsi que plusieurs scènes d’actions. Si les scènes sont bien tournées, l’action apparaît tout à fait correcte pour une série mais ce n’est néanmoins pas là où elle brille le plus. Donc, malgré les critiques de complexité de la série, je trouve qu’au vu de l’ampleur de l’œuvre d’origine, il s’agit d’une bonne adaptation mêlant thèmes et intrigues actuelles avec une chronologie cohérente. La série a en effet dû s’adapter à son époque, autant dans les thèmes que dans son récit avec une quasi absence de personnages féminins dans l’œuvre d’origine. Trois personnages principaux sont ainsi féminisés dans la série qui réussit à lier entre ces différents personnages déconnectés les uns des autres dans les livres. Les acteurs incarnent leur personnage avec malice, en particulier Lee Pace qui s’amuse dans le rôle du Frère Jour Cléon qu’il incarne différemment en fonction des siècles. Les jeunes Lou Llobell et Leah Harvey se révèlent dans les rôles principaux aux côtés de Jared Harris en professeur prophète.
« L’Histoire est l’arme ultime, car elle exploite le temps lui-même. Utilisé correctement, le passé peut modifier le présent »
Pour terminer, « Foundation » est donc une très bonne série et à mon sens une bonne adaptation qui promet de belles choses pour la suite. Si l’une des intrigues n’a pas vraiment réussi à me captiver pleinement jusqu’à un certain nombre d’épisodes, la richesse de la série et la variété de ses thématiques et chronologies méritent le coup d’œil d’autant que visuellement c’est éblouissant. Son rythme lent et son intrigue déstructurée risquent en revanche de ne pas plaire à tous. Mais elle nous offre néanmoins l’accès à un monde bien construit et un riche univers digne des grandes saga SF.
Pour moi il s’agit donc de l’une des œuvres de l’année ! Malheureusement, à l’heure de la renaissance du « Dune » de Frank Herbet, l’œuvre fondatrice d’Isaac Asimov passe, elle, au second plan. Comme d’habitude dernièrement, Apple sort des œuvres de grande qualité sur sa plateforme mais rechigne à les promouvoir avec les grands moyens. Il est à espérer que cette série ne tombera pas dans l’oubli d’Apple TV+ pour qu’on ait la chance de suivre la suite de cette adaptation du cycle fondateur de la science-fiction. Les deux showrunners ont en effet prévu un total de huit saisons ce qui peut sembler beaucoup comme de nombreuses œuvres récentes qui planifient d’innombrables suites, mais dans ce cas précis, l’adaptation de l’ensemble du « Cycle de Fondation » pourrait bien nécessiter 80 épisodes en effet. Deviendra-t-elle la nouvelle « Game of Thrones » ? Si Apple cherche ce type de réussite, la plateforme va devoir changer sa politique promotionnelle …
Raphaël Sallenave
“The search for meaning is not always about the answer!”
2021 seems to be the year of adaptations of science fiction classics. Indeed, after Denis Villeneuve’s outstanding “Dune”, bringing to an end a series of unsuccessful attempts to adapt Frank Herbert’s work, it is now up to Isaac Asimov’s “Foundation Series”, written in the 1940s, to be adapted. After several projects in the 2000s, Apple finally got the deal and released a 10-episode series at the end of September to kick off this millennial saga. The story is set in a galaxy where a century-old Empire reigns thanks to a cloned legacy that allows for unparalleled power. But when Hari Seldon, a professor of psychohistory, predicts the fall of the Empire, he is sent with his followers to the farthest reaches of the galaxy to build a Foundation to preserve the knowledge of the civilization in case of destruction and in the hope of a future rebuilding.
“Repeated luck is never luck”
Before going into the details of this very rich series, without spoiling anything, it is important to directly set the tone with a very general and overall, very positive opinion. First of all, thanks to a big budget for a series and in particular for a first season, “Foundation” is visually striking. The shots are magnificent and transport us in various universes, from the closed rooms of the imperial palace rich in colors and symmetry to the scenes on the Terminus planet at the confines of the galaxy in a salt desert, as well as several spectacular space scenes worthy of the biggest SF sagas.
But aesthetics is not everything, and “Foundation” does not only shine by its form but also by its content addressing interesting themes developed in depth without haste. The structure of the series as such is also engaging with good cliffhangers at the end of the episodes and excellent final episodes. The only drawback of the series would be its slower pace than the current shows and its lack of grip in the relationships between its characters when it focuses more on galactic and ethical issues, but given the original text, we can’t reproach that to an adaptation of Asimov’s work.
“All things have a circle. After destruction, rebirth. Knowledge gives us ways to survive the destruction until the rebirth arrives”
Indeed, it seems very challenging to adapt this piece as David S. Goyer explains to The Hollywood Reporter « There are three tricky aspects that I think have sunk other adaptations: the first is that the story spans over 1,000 years, with quite a few jumps in time, which complicates the narrative. The second is that the books sometimes take an anthological nature, with digressions centered on a particular character, such as Salvor Hardin, and then we jump a century in time to find ourselves with a brand-new protagonist. The third is that the novels are not really emotionally driven. The series created and written by David S. Goyer (The Dark Knight) and Josh Friedman (Snowpiercer) thus tries to make up for the lack of emotional appeal of the novels and succeeds overall in its mission, even if we can’t help but notice that we are not totally gripped by the relationships between the characters. But it is important to emphasize in that respect, that the series features an unusual structure regularly skipping years or even centuries which does not make it easy to get attached to the characters even if it still manages to find ways to create a certain recurrence of characters as with the emperor who is actually a triumvirate of three clones at different ages thus providing a certain stability in the galaxy but also in our watching experience.
“It’s not love if it doesn’t hurt”
From the first episode, we understand that it is indeed primarily about galactic issues, predictive mathematics and the fate of entire societies. But as soon as the second episode, the series introduces a romance, an investigation and a secret, that is to say an emotional thread, a suspense and a mystery allowing the spectator to be hooked. So, despite the broad themes and a history spread over several centuries, “Foundation” manages to focus on characters and tight plots without getting lost in the vastness of its galaxy. One way this is achieved is through the non-linear narrative of Gaal’s character. Although her character acts chronologically, her narration of the story is timeless and omniscient. But if it is not necessarily the relationships that engage the viewer, it is because the series emphasizes the power of ideas.
“Math is never just numbers. When words fail us, we use math to describe the inexpressible. The things that terrify us most. The vastness of space, the shape of time, the weight and worth of a human soul”
“Foundation” is indeed a tale to the glory of science and progressive thinking in the face of oppression by the powerful cyclicals. The series approaches several themes in a general way and then comes to nuance them with divergent opinions or variations modifying the usual cycle as with the Cleon clones who are all similar in appearance and skills but who nevertheless interpret each in their own way the events they live. The underlying question here is whether we will ever find ourselves confronted with a truly different clone. But the series also addresses the theme of robotization and the overcoming of the machine through the question of the soul of machines and the emptiness of humans. It also questions the predictive models that are more and more prevalent for many uses today. And therefore, like all good SF, it deals with themes that echo with our present. But it also borrows from myths with a story getting close to the biblical at times.
“Violence is the last refuge of the incompetent”
Religion is also included in the plot, with a paradoxical parallel between science and religion insofar as the Empire seeks at all costs to avoid making Professor Seldon a martyr. Through their exile to Terminus, the followers of the science that is psychohistory, who were supposed to be « founders », finally become revolutionaries driven by a single belief. The mathematician then becomes a prophet and what is proper to science becomes, in the eyes of some, a true religion worth fighting to protect its belief, thereby combining the two pillars opposed by the positivism of authors such as Auguste Comte. The Prime Radiant, a key item in the plot, can thus be seen in the light of the Religions of the Book.
“It takes more power to build than to burn”
Goyer’s pitch to Apple to describe the series was, « It’s a chess game between Hari Seldon and the Empire, which lasts a thousand years. All the other characters are pawns, but some of them will become kings or queens over the course of the saga ». “Foundation” thus stands out as an SF epic mixing prophetic tale and geopolitical and spiritual fable, all set against a backdrop of galactic thriller.
However, if it can be dense, it should be noted that the suspense of its plot is very well conducted with many twists and turns and several action scenes. If the scenes are well shot, the action appears quite decent for a series but it is nevertheless not where it shines the most. So, despite the criticisms of the complexity of the series, I find that given the magnitude of the original work, it is a good adaptation mixing themes and current plots with a coherent chronology. The series has indeed had to adapt to its time, as much in the themes as in its story with a near absence of female characters in the original work. Three main characters are thus feminized in the series which manages to link these different characters disconnected from each other in the books. The actors embody their characters with malice, especially Lee Pace who has fun in the role of Brother Day Cleon that he embodies differently depending on the centuries. Young Lou Llobell and Leah Harvey shine in the lead roles alongside Jared Harris as the prophet professor.
“History is the ultimate weapon, because it harnesses time itself. Used correctly, the past can alter the present”
To conclude, “Foundation” is a very good series and in my opinion a good adaptation that has great potential for the future. If one of the plots didn’t really manage to captivate me fully until a certain number of episodes, the richness of the series and the variety of its themes and timelines deserve a watch, especially since visually it is stunning. Its slow pace and unstructured plot may not please everyone however. But it offers us nevertheless the access to a well-constructed world and a rich universe worthy of the great SF sagas.
For me it is one of the best creations of the year! Unfortunately, at a time when Frank Herbet’s “Dune” is being revived, Isaac Asimov’s founding work falls into the background. As usual lately, Apple releases high quality works on its platform but is reluctant to promote them big time. Let’s hope that this series will not fall into the Apple TV+ oblivion so that we can have the chance to follow the continuation of this adaptation of science fiction’s founding cycle. The two showrunners have indeed planned a total of eight seasons which may seem like a lot as many recent works that plan countless sequels, but in this case, the adaptation of the entire “Foundation Series” may well require 80 episodes indeed. Will it become the new “Game of Thrones”? If Apple is looking for this kind of success, the platform will have to adjust its marketing campaign …
Raphaël Sallenave